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Le Temps et l’espace

Pour repérer des événements (ou des mouvements), il faut aussi une coordonnée de temps. On peut définir un référentiel d’espace-temps en associant une horloge à chaque point fixe d’un référentiel spatial (horloges "au repos"). La notion de temps, comme celle de repos, est donc aussi attachée à un référentiel. Dès lors, rien ne garantit a priori qu’un intervalle de temps Dt entre deux événements soit indépendant du référentiel (même si cela est vrai, en première approximation, dans la vie de tous les jours).

Le fait remarquable est que, si deux événements ont mêmes coordonnées spatiales (x , y , z ) et temporelle (t ) dans un référentiel, cela est vrai dans tous. On dit que ces événements définissent un même point de l’espace-temps. L’espace-temps est la seule vraie notion absolue. La séparation en deux notions (espace et temps) n’est possible qu’une fois choisi un référentiel spatial; elle lui est donc relative. De même, l’attribution de quatre coordonnées à un événement est relative à un référentiel d’espace-temps. La croyance usuelle en un espace et un temps absolus vient du fait qu’on ne considère souvent qu’un seul espace: celui qui tourne avec la Terre (et qui se déplace avec elle à 30 km e s-1 autour du Soleil!).

Pour comprendre la traduction mathématique de cette dialectique de l’absolu (espace-temps) et du relatif (espace et temps), rappelons la distinction faite, en géométrie, entre un objet géométrique (point, droite, etc.) et ses coordonnées (qui dépendent d’un système de coordonnées). Après des siècles d’étude, les mathématiciens ont montré que la structure mathématique clé en géométrie est la structure de groupe [cf. GÉOMÉTRIE]. La géométrie euclidienne, par exemple, est fondée sur le groupe de symétrie des translations-rotations: les propriétés géométriques euclidiennes sont caractérisées par leur invariance vis-à-vis de ce groupe et les systèmes de coordonnées orthonormés apparaissent comme les systèmes privilégiés pour décrire de façon simple ces propriétés. L’étude spatio-temporelle des phénomènes physiques est elle aussi caractérisée par un groupe de transformations (le groupe de Poincaré). Les référentiels (d’espace-temps) privilégiés pour ce groupe sont ce qu’on a coutume d’appeler les référentiels d’inertie. On passe d’un référentiel d’inertie à un autre par une transformation du groupe. Les translations et les rotations d’espace ainsi que les translations de temps transforment un référentiel d’inertie en un autre au repos par rapport au premier (les intervalles Dt et Dl restent alors inchangés). Les transformations de Lorentz font passer d’un référentiel d’inertie à un autre en mouvement par rapport au premier. Dans cette transformation, les intervalles Dt et Dl changent (mais la quantité Dl 2 _ c 2 Dt 2 est inchangée: invariant d’espace-temps). De même qu’on ne connaît un objet que si on observe ses différents aspects, de même on ne peut prétendre maîtriser les concepts d’espace et de temps sans la connaissance des lois de transformation des coordonnées x , y , z , t d’un événement. Le groupe des transformations est appelé le groupe de symétrie de l’espace-temps (cf. SYMÉTRIE [Physique]).

Espace et temps absolus

Dans l’Antiquité, la notion d’espace absolu est liée à la conception hiérarchique d’un Cosmos. La plupart des cosmologies des Anciens supposent l’existence d’un Univers tridimensionnel fini, avec la Terre pour centre. L’espace est alors formé par un ensemble de sphères homocentriques correspondant à chacun des astres errants; il est fermé par la sphère des fixes. Le mouvement circulaire des astres est naturel et n’a point à être expliqué. Tous les mouvements apparents peuvent être décrits en multipliant le nombre des rouages circulaires constitués par les épicycles et par les déférents. Dans ce cosmos de Ptolémée on associe implicitement un temps absolu à l’espace fini, c’est-à-dire un temps identique en tous les points du cosmos.

L’écroulement du Cosmos antique sous influence des idées coperniciennes (De revolutionibus orbium coelestium , 1543) marque une régression de la notion d’espace absolu, plus dans l’esprit que dans la lettre: le centre du monde devient le Soleil et le géocentrisme perd de l’importance. Néanmoins, l’Univers reste fini (sauf pour Giordano Bruno); mais on devine que ce premier pas permettra d’arracher à l’observateur terrestre ses prérogatives.

Effectivement, la révolution copernicienne conduit à la relativité de Galilée: pour celui-ci, les lois physiques régissant un phénomène ne sont pas troublées par le mouvement du système considéré. Les lois du mouvement d’un mobile donné sont les mêmes pour tous les observateurs, qu’ils soient ou non eux-mêmes en mouvement. Ces observateurs ne sont plus privilégiés: ils deviennent équivalents.

Néanmoins, on peut penser à cette époque que toute équivalence des observateurs requiert encore la notion d’espace absolu pour en garantir la validité et en préciser l’extension.

En effet, des observateurs équivalents sont des observateurs libres , pour lesquels le principe d’inertie et la loi fondamentale de la dynamique sont rigoureusement valables. Or, s’il est aisé de définir les uns par rapport aux autres des mouvements libres (un mouvement relatif rectiligne et uniforme), il est plus difficile de définir un premier observateur libre. Si l’on constaste, par exemple, qu’une bille roulant sur une table ne décrit pas une droite d’un mouvement uniforme (c’est-à-dire qu’elle ne satisfait pas au principe d’inertie), on peut penser indifféremment ou bien qu’elle est soumise à des forces inconnues, ou bien que son mouvement est rapporté à un système de référence mal choisi.

C’est une telle difficulté que Newton pense éviter en droit, sinon en fait, en faisant intervenir les notions de temps, d’espace et de mouvement absolus:

"Le temps absolu vrai et mathématique, sans relation à rien d’extérieur, coule uniformément et s’appelle durée;

"l’espace absolu, sans relation aux choses extérieures, demeure toujours similaire et immobile;

"le mouvement absolu est défini par le déplacement d’un corps d’un lieu absolu à un autre lieu absolu."

Pour Newton, l’absolu se distingue ici du relatif comme le mathématique du vulgaire. En pratique, l’expérience ne conduit qu’à des notions approchées, mais une rigueur de plus en plus grande permet d’acquérir une idée de plus en plus exacte du mouvement absolu. Finalement, temps et espace absolus se présentent comme des notions asymptotiques: l’espace absolu est celui où le principe d’inertie est rigoureusement valable, la loi fondamentale de la dynamique strictement vérifiée. Il est, selon Euler, "le garant de la validité du principe d’inertie".

Dès lors, cet absolu permet de fonder une véritable relativité restreinte: tous les systèmes en mouvement rectiligne et uniforme par rapport à l’espace absolu sont équivalents. On peut donc définir en droit une infinité de systèmes équivalents.

Théoriquement, le mouvement absolu se révèle, suivant Newton, par ses causes et par ses effets physiques, c’est-à-dire par les "forces vraies" qui le manifestent. Seuls des critères dynamiques, non cinématiques, peuvent donc distinguer le mouvement absolu et le mouvement relatif.

Néanmoins, après la dynamique newtonnienne et l’intervention de l’espace absolu, la garantie apportée à l’énoncé d’une équivalence entre des observateurs reste assez illusoire.

Dans l’expérience, il n’est de système d’inertie (c’est-à-dire de système équivalent à l’espace absolu) qu’approché. Par exemple, les murs d’un laboratoire constituent un système d’inertie pour les phénomènes qui se déroulent dans le laboratoire, mais non pour ceux qui ont lieu à l’échelle du système solaire. Dans ce cas, on peut faire appel au système centré sur le Soleil, système dont les axes seraient orientés vers trois étoiles fixes. Un tel système ne peut, à son tour, jouer le rôle de référentiel absolu pour les phénomènes à l’échelle des galaxies. La notion d’espace absolu, celle du système d’inertie qui, au sens newtonien, lui est corrélative est donc, selon la dynamique classique, liée à la notion d’échelle d’expérience.

En revanche, avec les premiers développements de la théorie électromagnétique de la lumière, la nature semble offrir spontanément un référentiel absolu à la portée de l’expérience: l’éther interstellaire immobile. On peut et on doit, en principe, mettre en évidence un mouvement par rapport à ce milieu universel immobile: mouvement, en ce sens, absolu.

Malheureusement, les expériences multiples destinées à mettre un tel mouvement en évidence demeurent entièrement négatives [cf. ÉTHER]. Il faut donc penser que la présence d’un espace absolu, matérialisé par l’éther, échappe aussi bien à la physique qu’à la mécanique.

Einstein montre alors que ces échecs découlent du principe même de l’observation à partir du moment où l’on admet qu’une simultanéité universelle n’est plus valable et que sa définition dépend du mouvement relatif. Dès lors, la notion de temps absolu, qui jusque-là est restée intacte, disparaît elle aussi.

Tous les observateurs étant équivalents, aucun privilège cinématique ne caractérise l’éther. Un espace physique absolu, défini par l’éther lui-même, n’a donc aucune raison d’être. Par ailleurs, si la simultanéité diffère avec le mouvement relatif des observateurs, aucune chronologie absolue ne peut subsister: espace et temps subissent donc l’un et l’autre et l’un par l’autre une mutation profonde (1905).

Espace et temps relatifs, transformations réciproques

Jusqu’à l’analyse critique d’Einstein, la notion de simultanéité semblait intuitive; elle se rattachait à une évidence immédiate. Einstein suppose, au contraire, que la simultanéité de deux événements distincts localisés en A et en B doit être fondée sur un critère expérimental: par exemple, un observateur situé en M, milieu du segment AB, recevra en même temps les signaux lumineux issus de A et B.

Einstein put montrer que la vérification d’un tel critère dépend de l’état de mouvement des observateurs. Ainsi, deux observateurs M et MH, en coïncidence instantanée mais en mouvement relatif (situés par exemple l’un dans un train, l’autre sur la voie), porteront des jugements différents sur la simultanéité des événements qui ont lieu en A et B.

Or, d’après Einstein, aucune correction ne peut affecter l’un des systèmes dont le mouvement serait apparent par opposition à l’autre système doué d’un mouvement vrai. Aucune expérience ne peut, en effet, mettre en évidence la présence d’un tel mouvement absolu.

Dès lors, il faut associer à chaque événement E défini par des coordonnées d’espace (x , y , z ), (x H, y H, z H) dans deux systèmes de référence S et SH, en mouvement relatif, des temps t et t H différant suivant chaque système. Tout événement sera donc nécessairement repéré non par trois mais par quatre nombres (x , y , z , t ) qui constituent ses coordonnées d’espace et de temps.

Par ailleurs, en mécanique classique, on passait des coordonnées d’espace et de temps (x , y , z , t ), (x H, y H, z H, t H) d’un même événement rapporté à deux systèmes de référence S et SH par la transformation de Galilée:

v étant la vitesse constante de SH par rapport à S, vitesse parallèle aux axes Ox et Ox H.

Au contraire, en mécanique relativiste, les coordonnées (x , y , z , t ), (x H, y H, z H, t H) d’un même événement E rapporté à deux systèmes galiléens S et SH sont liées par la transformation:

dite transformation de Lorentz et où b = v/c .

Tandis que la transformation de Galilée laissait subsister la notion de temps absolu (t H = t ), c’est-à-dire l’idée d’une chronométrie indépendante de la vitesse relative, la transformation de Lorentz fait dépendre d’un mouvement relatif les mesures temporelles réalisées d’un système sur l’autre. Tout changement de repérage se traduit donc non seulement par une modification des coordonnées d’espace, mais encore par un changement de la variable temporelle. La transformation de Lorentz mélange espace et temps et les traite de façon tout à fait analogue.

La symétrie entre les notions d’espace et de temps est plus apparente encore en posant x 0 = ct , x = x 1. La transformation (1) s’écrit alors:

Enfin, en posant x 4 = itc , x = x H et ib = v/c = tan f, on peut montrer que (1H) prend encore la forme suivante:

Cette transformation se rapporte à une rotation correspondant à l’angle complexe f dans l’espace (Ox 1, Ox 4) et, plus généralement, dans l’espace-temps à quatre dimensions.

Autrement dit, tout changement de coordonnées susceptible de faire passer d’un observateur galiléen à un autre, en laissant invariantes les lois physiques, peut se représenter comme une rotation complexe faisant passer d’un observateur P (défini par OP) à un observateur PH (défini par OPH) dans l’espace-temps à quatre dimensions.

On dit que les coordonnées x , y , z , t se rapportent au repérage d’un mouvement dans l’espace-temps et que c’est leur inséparable ensemble qui subit une transformation dans tout changement de système de référence .

Vitesse limite, trajectoires d’espace-temps

Pour représenter graphiquement la transformation (1) ou (1H), réduisons l’espace tridimensionnel à une seule dimension Ox . L’espace-temps est alors représenté par un plan et rapporté aux axes rectangulaires Ox , Ox 0 avec x 0 = ct .

La bissectrice OX de l’angle (Ox 0, Ox H) définit un angle j tel que:

Cette bissectrice est donc la trajectoire d’un mobile ayant la vitesse limite c des rayons lumineux. Dans l’espace-temps à quatre dimensions, cette bissectrice définit un cône dont l’axe est Ox 0 et l’angle au sommet 900: cette surface, dite " cône caractéristique ", contient tous les rayons lumineux issus de O ou bien aboutissant à O (fig. 1).

Un mobile matériel se déplace dans le vide avec une vitesse inférieure à celle de la lumière: sans cette restriction, les transformations (2) n’auraient aucun sens. Sa trajectoire, supposée rectiligne, fait donc avec Ox 0 un angle j1, tel que:

d’où j1 S j.

Par conséquent, toutes les trajectoires des particules matérielles sont contenues dans l’espace-temps situé à l’intérieur du cône caractéristique .

Passé, présent et futur dans l’espace-temps à quatre dimensions

Un événement d’espace-temps représente une donnée sans épaisseur d’espace ni de durée: c’est un point-événement défini par quatre nombres, ses coordonnées d’espace-temps. On peut, par exemple, considérer une explosion instantanée enregistrée par quatre sismographes indépendants. L’ensemble de tous les points-événements constitue l’espace-temps.

C’est un fait d’expérience qu’un observateur peut ordonner les événements en coïncidence avec lui et distinguer, parmi eux, présent, passé et avenir. La difficulté concerne l’ordre à introduire parmi ceux qui ne coïncident pas avec l’observateur.

Dans l’espace-temps, tout observateur décrit une ligne d’univers; une horloge liée à cet observateur définit son temps propre. On peut représenter par BOA la ligne d’univers de cet observateur orientée du passé B au présent O et à l’avenir A (fig. 2). Dans les diagrammes des figures 3 et 4, l’espace tridimensionnel x , y , z est toujours figuré par une seule dimension Ox , l’espace quadridimensionnel par le plan (Ox , Ox 0).

En mécanique newtonienne, l’ordre temporel des événements lointains possède une signification intrinsèque pour tous les observateurs. Il existe, en effet, un temps absolu: un événement donné est donc postérieur ou antérieur à un autre, quel que soit l’observateur.

Au contraire, dans l’espace-temps de la relativité restreinte, deux événements B et A sont ordonnés (B avant A) pour l’observateur dont la ligne d’univers va de A à B. Pour tous les autres observateurs dont les lignes d’univers passent par O, on peut répartir la totalité des événements en trois catégories par rapport à O:

– les événements b "avant O" (leur ensemble forme le passé P de tous les observateurs O);

– les événements a "après O" (leur ensemble constitue le futur F);

– les événements y qui ne peuvent être atteints par aucune ligne d’univers passant par O (ces événements déterminent une région Y).

La surface à trois dimensions qui sépare les régions P et F de la région Y forme le cône caractéristique à deux nappes CA et CB. Ce cône est le lieu des trajectoires des rayons lumineux reçus ou émis par O.

Quand les deux nappes du cône caractéristique tendent l’une vers l’autre, la région Y diminue et tend vers un 3-plan p de l’espace à quatre dimensions, c’est-à-dire vers un domaine tridimensionnel (fig. 2).

Ce plan serait décrit par des signaux fictifs se propageant avec une vitesse infinie.

Au sens newtonien, ce plan p représente le présent de l’observateur O. Il coïncide alors avec l’espace à trois dimensions d’où lui parviennent instantanément des signaux issus de tous les points de son présent.

Au contraire, au sens relativiste, ce présent "classique" constitue la limite Y de l’espace-temps à quatre dimensions, espace-temps qui représenterait alors, selon la relativité, le véritable présent de l’observateur O. Celui-ci ne se réduirait physiquement au "présent newtonien" qu’en admettant la possibilité de signaux de vitesse infinie. Le "présent relativiste" est donc constitué, pour un observateur O, par tous les événements desquels ne peut lui parvenir et auxquels il ne peut envoyer aucun signal. Pour cette raison, cette région Y a été nommée aussi région de l’" ailleurs ", le mot "présent" étant alors, par convention réservé, à l’espace tridimensionnel (plan p) limite newtonienne de l’ailleurs.

Enfin, la mécanique newtonienne, dont les définitions apparaissent comme un cas limite de l’espace-temps relativiste, semble, à cet égard, comporter un "présent" plus restreint. En revanche, en ce qui concerne les possibilités de répartition des trajectoires des particules matérielles dans le passé ou dans le futur d’un observateur donné, l’espace physique de la mécanique classique est évidemment plus vaste que l’espace-temps de la relativité restreinte. Celui-ci est réduit au passé et à l’avenir intérieur au cône caractéristique.

Diagrammes d’espace-temps

Les diagrammes d’espace-temps permettent de représenter, sur une même figure, les conclusions que peuvent formuler plusieurs observateurs au sujet d’une même grandeur ou d’un même phénomène (fig. 3). Si l’axe Ox 0 représente le temps propre d’un observateur O, Ox H0 sera l’axe d’un observateur OH en mouvement rectiligne et uniforme par rapport à O.

Les axes d’espace correspondant à ces deux observateurs sont respectivement Ox et Ox H.

La transformation de Lorentz, représentée par (1) ou (1H), conserve les intervalles d’espace-temps:

Les courbes (x 0)2 _ (x )2 = 1 et (x 0)2 _ (x )2 = _ 1 sont des hyperboles qui représentent l’unité d’espace-temps dans les systèmes S et SH.

On peut alors mettre en évidence, à l’aide de ces diagrammes d’espace-temps, un certain nombre de phénomènes.

La contraction des longueurs

Une unité de longueur attachée au système S (Ox , Ox 0) est représentée par OA. Ses extrémités décrivent Ox 0 et AA1 au cours du temps Ox 0. Dans le système SH, cette unité de longueur est figurée, à l’instant x H0 = 0, par:

L’observateur SH juge donc que l’unité de longueur de S (c’est-à-dire OB dans son expérience) est inférieure à sa propre unité.

Inversement, S juge que son unité de longueur (OA) est inférieure à l’unité de longueur de SH, telle qu’elle lui apparaît dans l’observation (OBH). La condition:

montre donc que l’observation réciproque fait apparaître une réciproque contraction des longueurs.

La dilatation des durées

Au contraire, une durée OC = 1 dans le système S (un tour de cadran) correspond par exemple dans l’observation de SH, à une durée plus grande (obtenue en projetant C sur Ox H0):

Réciproquement, une durée unité OCH = 1 dans SH correspond, dans S, à une durée supérieure:

Chaque observateur juge donc que les horloges de l’autre observateur retardent.

Cette illustration, dans l’espace-temps, d’une mutuelle contraction des longueurs et d’une mutuelle dilatation des durées a été mise en évidence par Hermann Minkowski.

Paradoxes des horloges

Supposons que deux jumeaux, initialement liés au même système de référence, aient un mouvement relatif rectiligne et uniforme.

L’un (Pierre) quitte la Terre dans une fusée rapide et, après un trajet rectiligne, fait demi-tour pour regagner son point de départ.

Pendant ce temps, l’autre jumeau (Paul) décrit, pour x = 0, la ligne d’univers Ox 0. Dans l’expérience de Paul, le trajet de Pierre se traduit par OA (aller) et AR (retour).

On peut montrer que:

Dt OA + Dt AR _ Dt OR étant de l’ordre de (v2/2c 2)T, T étant le temps du voyage et v la vitesse à laquelle il a été effectué (fig. 4).

Autrement dit, le vieillissement de Pierre, jumeau voyageur, est inférieur au vieillissement de Paul, jumeau sédentaire. Cette conséquence de la relativité est appelée paradoxe des horloges ou twin paradox (paradoxe des jumeaux). Elle peut donner lieu à de nombreuses discussions. Quoi qu’il en soit, l’origine de cette conclusion est que la différence d’âge, évaluée dans chaque système de référence, doit être assimilée à une différence d’espace-temps. Comme telle, celle-ci dépend non seulement des points d’origine et d’aboutissement, mais encore des chemins parcourus dans un espace quadridimensionnel constitué par l’espace-temps.

Grandeurs d’espace-temps

L’un des procédés les plus significatifs et les plus fructueux de la relativité consiste à utiliser la notion d’invariance pour définir ou pour reconstituer une structure mathématique capable de décrire une réalité physique objective. Ses différents aspects restaient éparpillés jusque-là dans les modalités des référentiels liés aux divers observateurs en mouvement relatif. Ce procédé est une synthèse d’un type très particulier qui groupe des apparences diverses, non pas en les reconnaissant comme des phénomènes de même espèce (telles pesanteur et gravitation), mais comme des points de vue différents dont la totalité est nécessaire pour la connaissance intrinsèque, c’est-à-dire invariante, de l’objet.

Le calcul tensoriel est l’instrument adapté à cette synthèse. Il permet, en effet, de définir une grandeur invariante en examinant les propriétés de transformation de ses diverses caractéristiques (composantes), telles qu’elles apparaissent dans les référentiels variés utilisés pour la décrire. Un tenseur est donc un être géométrique invariant dans un changement de coordonnées. Ses composantes peuvent être transformées les unes dans les autres lors d’un tel changement mais aucune donnée étrangère à cette grandeur elle-même ne peut apparaître.

En effet, une grandeur physique est réductible, expérimentalement, à des observables qui constituent ses composantes d’espace ou de temps. Leur réunion est indispensable pour définir une grandeur intrinsèque et invariante. Ces observables, composantes d’espace ou de temps, représentent autant de points de vue sur une grandeur intrinsèque, points de vue qui sont naturellement fonction des modalités de l’observation.

Par exemple, l’intervalle temporel, invariant au sens de la mécanique classique, c’est-à-dire invariant dans une transformation de Galilée, se présente, en mécanique relativiste, comme la composante de temps d’un quadrivecteur. C’est donc la réunion de toutes les composantes de ce quadrivecteur, c’est-à-dire l’intervalle spatial et temporel entre deux événements, qui pourra constituer une distance d’espace-temps invariante. Celle-ci est alors inchangée dans une transformation de Lorentz.

D’une manière analogue, le vecteur courant électrique et la densité de charge électrique forment les composantes d’espace et de temps d’un quadrivecteur; le champ électrique et le champ magnétique constituent aussi les composantes d’une même entité géométrique plus complexe: un tenseur antisymétrique du second rang. Enfin, les composantes p = m X v de la quantité de mouvement et de l’énergie totale W = mc 2 d’un système doivent aussi être associées pour former un quadrivecteur dont elles sont respectivement les composantes d’espace et de temps.

Une transformation de Lorentz transforme les unes dans les autres les composantes d’un tenseur ou d’un vecteur d’espace-temps. Chaque composante ne possède donc aucune signification intrinsèque; seul leur ensemble forme une réalité autonome. Tout se passe comme si les grandeurs d’espace et de temps que faisait intervenir la physique prérelativiste étaient des projections partielles et incomplètes d’une réalité physique dont l’espace-temps peut exprimer la totalité.

Par exemple, selon le système de référence adopté, un champ pourra être électrique ou magnétique; une particule, caractérisée uniquement par sa masse propre dans un système où elle est en repos, sera décrite au moyen de son "impulsion-énergie" dans un autre système galiléen.

Ainsi apparaît une équivalence entre la masse et l’énergie qui justifie l’extension du principe de conservation de la masse (Lavoisier), pour lequel il faut qu’à la masse de la particule soit associée son énergie cinétique, l’ensemble constituant une impulsion-énergie totale qui est seule conservée. L’introduction d’un formalisme d’espace-temps peut aussi suggérer la nécessité d’une équivalence masse-énergie et la définition d’une énergie interne d’un système de particules.

Espace-temps et formalisme mathématique

L’espace-temps de la relativité restreinte peut être caractérisé par l’intervalle élémentaire:

qui sépare deux points-événements infiniment voisins P(x , y , z , t ) et PH(x + dx , y + dy , z + dz , ct + cdt ). Cet intervalle est invariant dans une transformation de Lorentz.

On constate que l’expression (3), qui fait intervenir des coordonnées réelles (x , y , z , t ), comporte un signe + et trois signes _: l’ensemble des signes + _ _ _ est dit signature et cette signature est dite hyperbolique normale. Elle généralise en effet, dans un formalisme quadridimensionnel, l’équation usuelle de l’hyperbole y 2 _ x 2 = C te . Une telle signature hyperbolique est choisie pour assurer la condition:

c’est-à-dire:

ou:

La vitesse de la lumière est alors supérieure à la vitesse de toute particule matérielle.

Bien entendu, l’emploi de coordonnées imaginaires telles que x 4 = ict c’est-à-dire (dx 4)2 = _ c 2 dt 2 entraînerait:

L’intervalle comporte alors des termes de même signe et la signature est dite elliptique. Il s’agit là d’une représentation purement formelle qui permet parfois des développements plus simples. D’une manière analogue, en posant:

c’est-à-dire une extension quadridimensionnelle du théorème de Pythagore.

L’espace-temps quadridimensionnel constitue un espace improprement euclidien, "improprement" en raison de la signature hyperbolique. L’introduction d’une signature elliptique, par l’intermédiaire de coordonnées imaginaires, permet de lui conférer les propriétés usuelles d’un espace quadridimensionnel euclidien (théorème de Pythagore).

La relativité générale introduit un espace-temps toujours quadridimensionnel mais non euclidien. Il s’agit en effet d’un espace-temps de Riemann, qui se distingue de l’espace-temps de Minkowski (dit espace-temps "plat") par la présence d’une courbure.

Dans ce cas, l’intervalle élémentaire entre deux points infiniment voisins de cet espace-temps courbe quadridimensionnel:

introduit une "métrique" dont les composantes g ab permettent de définir une courbure non nulle.

C’est la combinaison des g ab et de leurs dérivées premières et secondes qui permet alors de définir la courbure de l’espace-temps.

Il faut dans ces conditions que les g ab puissent être dérivés une et même deux fois, sauf en quelques régions singulières: on dit alors que la variété espace-temps courbe est de classe C2, C3 par morceaux.

Les g ab forment les deux composantes d’un tenseur symétrique du second rang: le tenseur métrique. Si la courbure est faible:

Les ds 2 qui caractérisent un espace-temps courbe quadridimensionnel tendent alors vers le ds 2 (3), qui définit l’espace-temps plat de la relativité restreinte: ce dernier joue ainsi le rôle d’un espace-temps euclidien (ou plutôt improprement euclidien) tangent à l’espace-temps courbe.

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