La
Ville de TLEMCEN ALGERIE
Capitale du Maghreb
central au IXe siècle puis du XIIIe au XVIe siècle et enfin incluse dans l’État
turc d’Alger jusqu’au début du XIXe siècle, Tlemcen n’est plus qu’une ville
algérienne moyenne proche du Maroc. Son site originel, gradin de travertin au
pied nord d’un causse atlasique, domine, classiquement, son haouz (domaine
foncier de culture intensive), irrigué depuis toujours et aménagé sur le
piedmont sud du bassin de la moyenne Tafna. Les cultures de ce bassin y
rencontrent la ghaba (forêt) du causse, avant la steppe, vers le sud; les voies
historiques Tunis-Maroc et Sahel-Méditerranée, celle de l’or vers l’an 1000,
s’y croisent.
Les Tlemcéniens,
qui étaient 12 000 lors de l’occupation française, rentiers de la terre,
négociants, artisans du métal, du cuir, de la laine (avec 500 métiers en 1842),
n’étaient encore que 55 700, dont 43 300 Algériens, en 1954. Cette population,
portée seulement, selon un taux annuel de 2,2 p. 100, à 71 130 citadins en 1966
après le départ des Européens, ne s’est accrue que de 2,6 p. 100 par an de
cette date à 1977 (93 143). Desserrée aux dépens du haouz jusqu’aux villages
coloniaux d’Abou Tachfin, Chetouan et Mansoura, l’agglomération pluricommunale
a crû, au taux cette fois excédentaire de 3,4 p. 100, passant de 98 000 en 1977
à 137 197 habitants en 1987.
Durant la Seconde
Guerre mondiale et jusqu’en 1972, les citadins n’avaient laissé que peu de
ruraux gagner la ville — ils ont investi une périphérie d’habitat précaire
(Boudghène) et, lors de l’indépendance, se sont installés dans des ensembles
H.L.M. et des immeubles du centre-ville désertés par les Européens en 1962. Cet
apport ne compensa pas les départs de cadres vers les villes coloniales
voisines, Oran et Alger surtout: 64 p. 100 des Tlemcéniens étaient des adultes
en 1948; dès 1966, cette proportion tombe à 48 p. 100.
Les investissements
publics industriels du programme spécial de 1972 ont inversé les mouvements
migratoires, en faisant appel à des travailleurs surtout urbains et qualifiés,
et pas seulement locaux. La "révolution agraire" avait privé la
bourgeoisie locale de la rente de 11 000 hectares de vignes, jardins, oliviers,
champs céréaliers. Il lui restait, après nationalisation des minoteries et
tissages coloniaux et création des premières unités publiques (laiterie,
enfûtage de gaz), son commerce et ses manufactures, souvent vétustes et/ou
substituées à de l’artisanat, 150 unités employant encore, en 1977, 3 200 des 4
500 salariés permanents de l’industrie (23 p. 100 des actifs occupés).
Restaient 1 100 artisans; mais les 2 800 salariés urbains du bâtiment (15 p.
100 des actifs occupés) n’étaient qu’une minorité face aux ruraux sur les
chantiers des zones industrielle (228 ha.) de Chetouan et semi-industrielle (40
ha) d’Abou Tachfin, et à ceux des programmes liés d’habitat.
L’achèvement des
complexes de matériel téléphonique réalisés selon un programme lancé en 1975,
fonctionnel en 1979 (Sonelec, puis E.N.T.C., 2 000 emplois), et de soieries,
retardé jusqu’en 1985 (Sonitex, puis Soitex, 1 300 emplois), avait donné le
premier rôle au secteur public, doublé le nombre des salariés du secteur
industriel — un tiers des emplois en 1987 —, accru le capital, les
technologies, le champ du recrutement, devenu national. La
"restructuration" a d’abord, en décentralisant, fait de Tlemcen le
siège national de l’E.N.T.C. et de Soitex, mais au prix de distorsions
régionales et de dysfonctionnements. La zone semi-industrielle abrite de
vieilles unités exurbanisées et des entreprises publiques régionales et
locales. L’université, étendue, depuis son embryon de 1974, jusque dans la
Z.H.U.N. (zone d’habitat urbain nouveau) d’Imama, comptait plus de 5 000
étudiants et de 350 enseignants en 1992.
Le nombre
d’emplois, jusqu’en 1987, a crû plus vite que la population: de 13 pour 100
habitants en 1966 à 20 en 1977, puis à 24, de même que les emplois féminins,
qui atteignent un des taux les plus élevés d’Algérie. La construction aux
dépens du haouz, après celle de la Z.I., des 462 hectares de Z.H.U.N. de Kiffan
et d’Imama n’a pas empêché l’emploi agricole de croître de 700 en 1966-1977 à 1
363 (4 p. 100 des actifs) en 1987. Ce desserrement de l’habitat en villas a
surtout été le fait de la bourgeoisie tlemcénienne, acheteuse dès
l’indépendance, des villas coloniales; mais la moitié seulement des immeubles
collectifs lancés avant 1978 étaient achevés en 1987.
La production
d’appareils téléphoniques de 104 000 en 1984 est tombée à 71 000 en 1991, le
métrage de soierie est lui aussi en recul. L’avenir du secteur public
industriel est mis en cause par des projets de privatisation; par ailleurs, la
proximité de la frontière marocaine renforce le secteur parallèle du marché.
Est menacé aussi le patrimoine historique de la vieille ville, d’El-Eubbad et
de Mansoura, quand bien même la tradition musulmane lettrée citadine a
jusqu’ici éloigné, malgré plusieurs attentats meurtriers, la psychose du
terrorisme islamiste qui a investi de grande villes moins structurées.