La
Photosynthèse
Le terme
"photosynthèse" signifie littéralement: synthèse réalisée à l’aide de
l’énergie lumineuse. Bien que, en ce sens, différentes réactions synthétiques
puissent avoir lieu indépendamment des êtres vivants, il est d’usage de ne
désigner par ce mot que la capacité des végétaux chlorophylliens à assimiler le
dioxyde de carbone ou gaz carbonique, à la lumière, avec formation de
substances organiques. On l’appelait autrefois assimilation chlorophyllienne.
Plus précisément,
la photosynthèse comprend l’utilisation de l’énergie lumineuse pour la
réduction du dioxyde de carbone par l’eau, donneur d’hydrogène (ou d’électrons
+ protons), avec synthèse de glucides et libération d’oxygène. Cette réaction
est réalisée dans des organites intracellulaires spécialisés, les
chloroplastes, porteurs de pigments photorécepteurs, tels que les
chlorophylles, les caroténoïdes.
La réduction du
dioxyde de carbone par l’eau (ou, chez les bactéries chlorophylliennes, par
d’autres substances telles que l’acide sulfhydrique, l’hydrogène ou bien un
composé organique, un acétate par exemple) nécessite un apport d’énergie assez
élevé. L’originalité du mécanisme est d’utiliser des photons et de les
convertir en énergie chimique qui se retrouve dans l’énergie de liaison des
atomes de carbone et d’hydrogène dans les glucides formés. Huit photons au
moins sont nécessaires pour permettre la réduction d’une molécule de dioxyde de
carbone par l’eau.
Deux types de
réactions participent à cette réduction. Les unes, purement photochimiques , se
déroulent entre les photons absorbés et les molécules de pigments. Les autres,
réactions sombres , concernent la biochimie du carbone; elles se présentent
schématiquement comme l’inverse du mécanisme respiratoire consommateur de
glucides et d’oxygène avec formation de dioxyde de carbone et d’eau. La liaison
entre ces deux types de réactions est réalisée par des transporteurs
d’électrons (+ protons) appartenant aux nucléotides phosphates, et par
l’adénosine-triphosphate, ou ATP, que l’on retrouve dans toutes les réactions
bioénergétiques (cf. tableau).
1.
Les étapes de la découverte
Le dégagement
d’oxygène par les plantes vertes fut découvert par le pasteur physicien et
philosophe anglais J. Priestley en 1772, quelques années avant que Lavoisier ne
démontre que le dioxyde de carbone libéré par la respiration animale, ou par la
combustion d’une chandelle, est formé de carbone et d’oxygène. En 1779, le
Hollandais J. Ingen Housz découvre que ce dégagement n’a lieu qu’à la lumière;
J. Senebier à Genève, en 1782, prouve la nécessité du dioxyde de carbone et, en
1804, N. T de Saussure, de Genève également, démontre que l’eau participe à la
réaction.
En 1845, trois
années après avoir énoncé le principe de la conservation de l’énergie, le
physicien allemand R. Mayer discerne l’aspect fondamental du phénomène:
"Les plantes prennent une force, la lumière, et engendrent une force,
l’énergie chimique."
Vingt ans après,
l’accumulation d’amidon dans des feuilles éclairées est découverte, puis, à
partir de 1880, les premiers spectres de lumière active sont tracés par C.
Timiriazev, en Russie, et T. W. Engelmann, en Allemagne, reconnaît la
photosynthèse des algues rouges et la photoréduction du gaz carbonique réalisée
par quelques bactéries.
Au début du XXe
siècle, on introduit la distinction entre réactions photochimiques , résultant
de l’absorption de la lumière par les pigments, et réactions sombres ,
catalysées par des enzymes. À la même époque, on reconnaît le caractère
quantique des phénomènes photochimiques; la loi d’Einstein stipule que toute
transformation photochimique élémentaire exige l’absorption d’un quantum de
lumière (photon) par une des molécules prenant part à cette transformation.
Pour être efficace photochimiquement, la lumière doit être absorbée. La
photosynthèse n’échappe pas à cette loi: son spectre d’action est à très peu
près identique au spectre d’absorption des pigments photosynthétiques
(essentiellement les chlorophylles) (fig. 1). Les radiations
photosynthétiquement actives sont comprises entre 400 et 700 nm pour les
végétaux verts, elles s’étendent jusqu’à 890 nm pour les bactéries
photosynthétiques.
Contrairement aux
réactions photochimiques, les réactions sombres (ou encore thermiques) sont
accélérées par une élévation de température. Celles de la photosynthèse
présentent beaucoup d’analogie avec celles du métabolisme général et de la
respiration en particulier. Les réactions sombres se déroulent spontanément,
avec libération d’énergie libre (sens exergonique). L’originalité de la
photosynthèse est de les coupler aux réactions photochimiques, transformant
l’énergie des photons en énergie chimiquement utilisable, pour réaliser un
processus par lui-même globalement endergonique:
La réduction d’une
molécule de dioxyde de carbone et simultanément l’oxydation de deux molécules
d’eau donnent lieu à la formation d’un chaînon glucidique (CHOH) et à la
libération d’une molécule d’oxygène. Ce processus nécessite au minimum
l’utilisation de 8 einsteins (ou moles de photons), soit l’équivalent de 1380
kJ/mole. Le rendement de la photosynthèse est donc au mieux de 30 p. 100
environ.
Après la Seconde
Guerre mondiale, les recherches en photosynthèse ont connu un essor
considérable. Dans une première période, elles ont été marquées par
l’élucidation, grâce à l’emploi des isotopes radioactifs, des nombreuses étapes
sombres de l’intégration du carbone. La période qui lui a succédé a vu un très
grand développement des méthodologies biophysiques (spectroscopie, cinétique),
des études structurales par microscopie électronique notamment et des méthodes
de plus en plus élaborées d’obtention de fractions subcellulaires actives
(séparations diverses, électrophorèse, etc.). Chacune de ces approches concerne
certains aspects seulement de l’appareil photosynthétique, mais l’ensemble
converge vers une vision de plus en plus cohérente de la façon dont les
structures supramoléculaires de l’appareil photosynthétique assurent l’ensemble
des fonctions élémentaires permettant la conversion photosynthétique de
l’énergie lumineuse (fig. 2).
2.
L’appareil photosynthétique
Dans les feuilles
vertes des plantes, dans les algues, la photosynthèse est réalisée par des
organites spécialisés: les chloroplastes. Ils possèdent toujours une enveloppe
formée de deux membranes: une externe perforée et une interne dotée de
perméabilité sélective.
On y reconnaît la
présence d’une structure fondamentale, la lamelle, remarquablement constante
dans son architecture moléculaire générale. Il s’agit d’une bicouche lipidique
(7 nm environ d’épaisseur), dans laquelle sont ancrées des macromolécules
lipoprotéiques ou des complexes protéiques oligomériques. La fluidité des
lipides membranaires (composés principalement de phospholipides et de galactolipides)
autorise une certaine liberté de mouvement latéral de ces complexes. Toutes les
molécules fonctionnellement associées aux étapes primaires de la photosynthèse
sont intégrées soit au sein de la membrane (plastoquinones), soit comme
protéines membranaires (cytochromes), soit liées de façon non covalente à
celles-ci (chlorophylle des "antennes" et des "centres").
Mais certaines protéines (métallo-protéines telles la plastocyanine (Cu) ou la
ferrédoxine (Fe)) s’associent de façon non permanente à certains sites de la
membrane. Les plus gros complexes membranaires sont à la fois visibles en
microscopie électronique et isolables après destruction ménagée de la membrane
elle-même, de sorte qu’une localisation et une distribution assez précise de
ces particules dans le plan de la membrane et selon sa normale a pu être
abordée.
Chez les eucaryotes
photosynthétiques (tous les végétaux chlorophylliens), il existe deux autres
niveaux d’organisation englobant l’organisation supramacromoléculaire considérée
ci-dessus. D’une part, les lamelles forment au sein du chloroplaste un réseau
de vésicules (thylakoïdes) qui définissent deux phases sans communication
immédiate: l’espace stromatique et l’espace intrathylakoïdal (ou lumen). À la
polarité stroma-lumen ainsi définie correspond une organisation transversale
(normale au plan membranaire) des complexes et composants membranaires, qui est
de la plus haute importance pour l’énergétique de la conversion (cf. fig. 7).
D’autre part, les lamelles peuvent s’accoler par endroits pour former des
empilements de disques (granums, visibles en microscopie photonique) qui
restent en relation de continuité avec des lamelles non accolées dispersées
dans le stroma (fig. 3). On pense que cette disposition – fréquente mais non
générale – représente une adaptation pour une répartition optimale de l’énergie
lumineuse dans l’appareil.
Il est relativement
aisé de séparer, après broyage du tissu foliaire, des fragments de
chloroplastes capables à la lumière de dégager de l’oxygène et de réduire
certains accepteurs d’électrons (par exemple le ferricyanure et de nombreux
colorants). Cette réaction de Hill, du nom du biochimiste anglais qui l’a
découverte, permet de démontrer que c’est au sein des structures thylakoïdales
que s’effectue l’intégralité de la conversion au sens énergétique. En effet,
ces fragments de membranes isolés sont capables de réduire le NADP
(nicotinamide dinucléotide phosphate) et de phosphoryler l’ADP (adénosine
diphosphate), à partir de quoi l’intégration du carbone en glucides peut
s’effectuer de façon enzymatique spontanée.
On sait aller
beaucoup plus loin dans la fragmentation de l’appareil en blocs élémentaires
fonctionnels, notamment grâce à une attaque ménagée des membranes par des
détersifs. Les centres réactionnels bactériens – où s’effectue l’acte
photochimique de la conversion – donnent un bon exemple de cette démarche. On a
pu déterminer la composition minimale d’un complexe, nécessaire à sa fonction:
3 sous-unités polypeptidiques, 4 molécules de bactériochlorophylle, 2 molécules
de bactériophéophytine (macrocycle de chlorophylle privé de Mg), 1 molécule de
caroténoïde, 2 molécules d’ubiquinone et 1 atome de fer. D’autres blocs
fonctionnels sont, de nos jours encore, difficiles à extraire et à purifier
(stœchiométrie variable) ou perdent une partie de leur activité au cours de
l’isolement. Mais le démontage de la micromachine photosynthétique découvre une
remarquable unité d’architecture moléculaire – preuve évidente d’une parenté
phylogénique – et nous apprend que la structure de ces complexes, c’est-à-dire
la disposition géométrique de ses parties, tout autant que leur nature
biochimique, détermine spécifiquement leurs fonctions.
La structure
granaire – dominante chez les végétaux supérieurs – a longtemps posé un
problème d’interprétation. À quoi sert-elle? De nombreuses recherches ont été
consacrées à ce problème. On s’est aperçu finalement que cette structure
n’était pas statique, mais relativement mobile: sous l’influence de multiples
facteurs (par exemple les ions Mg++ dans le stroma), les lamelles peuvent
s’accoler ou se séparer réversiblement; parallèlement, on assiste à une
migration des complexes membranaires qui peuvent se rassembler ou se disperser.
Un des résultats inattendus de ces recherches en un sens contredit le schéma en
"Z", pourtant si solidement établi (cf. fig. 5). Celui-ci, en effet,
suggère naturellement qu’il doit exister dans la membrane une entité
morphologique correspondant à la "chaîne photosynthétique" et
constituée des deux principaux complexes: système II + système I. Or, si cette
chaîne est bien une réalité sur le plan fonctionnel, son existence
morphologique est extrêmement fluctuante. Ainsi, on a démontré, en les isolant,
que les disques granaires ne comportent que des complexes système II et que
tous les complexes système I (plus une minorité de système II) se rassemblent
dans les lamelles dispersées dans le stroma. Il faut évidemment que des
transporteurs mobiles – c’est le cas des plastoquinones – puissent établir une
communication entre ces deux sortes d’édifices lamellaires. Cette singulière
complication doit jouer un rôle, pense-t-on, dans l’adaptation de l’appareil
photosynthétique au régime lumineux.
3.
Les mécanismes primaires
L’unité
photosynthétique: antenne et centre
On doit à deux
chercheurs américains (R. Emerson et W. Arnold) la notion d’unité
photosynthétique qui a joué un rôle fondamental dans la manière dont se
comprend la relation structure-fonction dans l’appareil photosynthétique. Leurs
travaux dans les années 1930-1940 ont révélé que, sous l’effet d’éclairs brefs
et saturants (quelques microsecondes, quelques 10_2 joule/cm2), l’acte
photochimique élémentaire n’impliquait pas moins de 600 molécules de
chlorophylle. Par ailleurs, on savait qu’au contraire, en faible lumière,
l’absorption de tout photon se traduit par un acte photochimique élémentaire,
avec un rendement quantique proche de l’unité. Le concept d’unité
photosynthétique devait résoudre ce paradoxe. La chlorophylle remplit deux
rôles essentiels: comme convertisseur photochimique dans les centres et comme
collecteur de lumière dans les antennes. En fait, à chaque chlorophylle-centre
sont associées quelques centaines de molécules de chlorophylle-antenne, en
sorte que tout photon absorbé par l’une d’entre elles est transmis presque sans
perte par transfert de résonance au centre où s’effectue la conversion. Cette
disposition est compatible avec un excellent rendement en faible lumière. En
revanche, au cours d’un éclair bref et saturant, chaque centre est activé, mais
ne peut fonctionner qu’une fois, car le temps total de conversion – nécessaire
pour qu’un centre, après avoir été excité, soit de nouveau capable d’être
activé – est beaucoup plus long (environ 10_4 s) que la durée d’un éclair. Tout
se passe donc comme si une petite fraction seulement de la chlorophylle (1/600)
était active dans ces conditions. L’inverse de ce rapport définit précisément
la "taille" de l’unité photosynthétique.
Par analogie avec
la photochimie non biologique, on pouvait s’attendre à ce que l’acte de
conversion implique un phénomène d’oxydoréduction. Un ensemble de résultats
expérimentaux, pour lesquels la spectroscopie par éclairs a joué un grand rôle,
a imposé la notion que la conversion photochimique consiste en une séparation
de charges entre un donneur primaire P et un accepteur primaire A selon les
deux étapes:
P est la
chlorophylle-centre; c’est un dimère de chlorophylle (ou de
bactériochlorophylle); Pu est son état excité (singulet). P fonctionne donc à
la fois comme piège pour l’excitation lumineuse et comme donneur d’électron. A
est une phéophytine (ou une chlorophylle). Ce schéma est général et se vérifie
chez tous les organismes photosynthétiques. La conversion photochimique
consiste donc à transformer l’énergie d’un photon en la différence de potentiel
d’oxydoréduction existant entre les couples P+/P et A/A_. Le rendement
énergétique de cette opération est excellent (de l’ordre de 60 p. 100). Quant à
son rendement quantique (paire de charges séparées/photon absorbé), il est très
proche de l’unité.
Les facteurs de
cette remarquable performance ne sont pas définitivement élucidés. Du moins,
deux propriétés de l’ensemble centre-antenne permettent-elles de la comprendre.
D’une part, la vitesse des deux étapes ci-dessus est notablement plus grande
(1011 s_1) que celle de la désactivation spontanée de l’excitation dans
l’antenne (de 107 à 108 s_1) [fig. 4]. D’autre part, la recombinaison des
charges, qui dissiperait l’énergie emmagasinée dans l’état P+A_ (en redonnant l’état
PA) n’a qu’une infime probabilité de se produire. Mais, pour parfaite qu’elle
soit, la conversion photochimique ne va pas sans pertes qui, même très faibles,
constituent de précieux indicateurs sur l’état et le fonctionnement des centres
et des antennes. Ces pertes se manifestent en effet par une fluorescence et une
luminescence de la chlorophylle, dont les propriétés spectroscopiques et
surtout cinétiques ont puissamment contribué à établir la validité du schéma de
conversion.
Les deux systèmes
photochimiques et le schéma en "Z"
Le bilan de la
photosynthèse chez les plantes supérieures, c’est-à-dire simultanément
l’oxydation d’une molécule d’eau et la réduction d’une molécule de dioxyde de
carbone, implique la mobilisation de 4 électrons (et de 4 protons, soit de 4
atomes d’hydrogène). L’exigence quantique de la photosynthèse (8 h n / O2 ou
CO2) indique donc que 2 photons sont nécessaires pour transférer 1 électron. La
signification de ce facteur 2 ne fut bien comprise qu’à partir des années
1957-1960 lorsque R. Emerson, étudiant le spectre d’action de la photosynthèse,
montra que les radiations absorbées vers 690 nm et au-delà sont peu efficaces,
à moins qu’elles ne soient supplémentées par des radiations de plus courtes
longueurs d’onde. On ne tarda pas à comprendre que chez les végétaux supérieurs
la photosynthèse est un processus biphotonique mettant en jeu deux sortes
d’ensembles antennes-centre dont les spectres d’absorption sont légèrement
décalés (en particulier dans le rouge lointain). L’explication du facteur 2
était donc que 2 photoréactions devaient opérer en série pour porter chaque
électron du potentiel de O2/H2O jusqu’au potentiel de CO2/(CHOH).
Ce schéma en série,
plus connu sous le nom de schéma en "Z" (fig. 5), s’est trouvé
conforté par un corps très important de résultats, particulièrement d’ordre
cinétique. Mais la preuve sans doute la plus éloquente de sa validité est
donnée par la possibilité d’isoler après fragmentation de la membrane deux
sortes de subparticules possédant séparément chacune des activités
photochimiques postulées. Chaque photoréaction, ainsi que les transporteurs
directement associés, a reçu le nom de photosystème.
Convenant
d’orienter les flèches dans le sens du transfert des électrons, on voit que le
photosystème II extrait les électrons de l’eau (à + 0,8 volt) et les porte à un
potentiel réducteur assez bas (_ 0,2 volt), mais encore insuffisant pour la
réduction du CO2. L’électron, d’abord capté par une phéophytine, se trouve
stabilisé sur une plastoquinone spéciale, Q, puis transmis par l’intermédiaire
d’une seconde plastoquinone, B (mobile), au "pool" principal des
plastoquinones, PQ. La communication des électrons au photosystème I passe par
un complexe à cytochromes (b 6 et f ) contenant également une protéine à fer et
soufre (centre de Rieske) et par un transporteur mobile, la plastocyanine (PC,
une protéine à Cu). Le déplacement des potentiels où opère le système I dans le
sens réducteur résout la difficulté énergétique évoquée ci-dessus: l’électron
se trouve porté, à l’issue du deuxième acte photochimique, à un potentiel
suffisamment réducteur (_ 1,0 volt) pour réduire facilement le NADP. Comme pour
le photosystème II, plusieurs accepteurs associés au centre: A1, A2, etc., de
la famille des ferrédoxines (Fd), stabilisent l’électron avant son transfert au
NADP via une enzyme, la Fd-NADP oxydoréductase. Des protons sont également mis
en jeu parallèlement au transfert des électrons: ils sont libérés aux étapes
d’oxydation de H2O et de PQH2 et inversement, fixés à celles de réduction de PQ
et NADP. Le schéma montre enfin qu’un transfert cyclique d’électrons peut avoir
lieu, dans certaines circonstances, autour du système I. Le schéma en
"Z" est commun à tous les organismes photosynthétiques oxygéniques. Par
contre, les bactéries photosynthétiques, incapables d’oxyder l’eau, s’adressent
à des donneurs d’hydrogène plus faciles à oxyder (composés du soufre, substrats
organiques) et leur appareil ne comporte qu’un seul photosystème.
Une région qui est
encore mal connue du système II concerne l’oxydation de l’eau. On sait
seulement qu’elle se produit de façon séquentielle et cyclique en accumulant 4
équivalents oxydants capables de décomposer 2 molécules d’eau tout en libérant
1 molécule d’oxygène. C’est ce qu’ont élégamment démontré les expériences du
Français P. Joliot et de l’Américain B. Kok (fig. 6).
La théorie de
Mitchell
Le schéma en
"Z" exprime de manière compacte la connexion mécanistique des
transporteurs de la chaîne photosynthétique les uns aux autres. Il est remarquable
qu’il reflète assez fidèlement l’organisation macromoléculaire de la membrane
du thylakoïde, principalement dans le sens transversal (fig. 7). C’est ainsi
que l’axe de la séparation de charges dans les deux photosystèmes est normal au
plan membranaire; son sens est tel qu’elle tend à "projeter"
l’électron à l’extérieur du thylakoïde. Deux conséquences en résultent. En
premier lieu, la séparation des charges dans les deux photosystèmes crée un
champ électrique transmembranaire. Comme l’a montré l’Allemand H. T. Witt, ce
champ est assez fort (105 volt / cm) pour influencer par électrochromisme les
pigments photosynthétiques, qui subissent des variations spectrales (par
exemple à 515 nm) faibles, mais bien détectables. Notons que, à l’instar d’un
condensateur, une certaine énergie se trouve ainsi momentanément stockée dans
le diélectrique de la membrane. En second lieu, cette énergie est utilisée pour
accélérer la fixation de protons sur la face externe du thylakoïde et leur
libération dans sa phase interne (lumen). Comme la membrane est très peu
perméable aux ions et qu’elle délimite un volume fermé, elle maintient donc
entre ses deux faces un gradient de pH. L’énergie électrostatique est ainsi
transformée en une nouvelle forme de stockage: l’énergie chimiosmotique du
gradient de pH. C’est en réfléchissant à la signification de la
compartimentation chez les mitochondries et les chloroplastes, qui permet une
accumulation d’énergie sous forme chimiosmotique, que l’Anglais P. Mitchell
(prix Nobel 1978) a pu proposer la théorie chimiosmotique [cf. BIOÉNERGÉTIQUE].
Celle-ci fournit notamment une explication cohérente de la photophosphorylation
chez les chloroplastes. La membrane du thylakoïde porte en effet dans son
épaisseur et sur sa face externe un complexe enzymatique, l’ATP-synthétase (CF0
et CF1 sur la fig. 7), capable de canaliser les protons en excès dans la phase
interne et d’utiliser l’énergie du gradient de pH pour synthétiser des
molécules d’ATP. En définitive, celui-ci, relâché, ainsi que le NADPH2 dans la
phase stromatique y seront les vecteurs d’énergie et d’électrons + protons
suffisants pour l’intégration du carbone catalysée par les enzymes du cycle de
Calvin .
4.
Les réactions sombres: la réduction du dioxyde de carbone
Les réactions
sombres de la photosynthèse, (ou réactions thermiques, en raison de leur
sensibilité à la température) sont maintenant bien connues grâce à la
conjonction de méthodes et de techniques développées pendant et après la
Seconde Guerre mondiale: utilisation d’isotopes traceurs, en particulier du
radiocarbone 14 découvert en 1940, et analyse chimique par chromatographie.
Après avoir offert
du 14CO2 à une plante, il devient possible de suivre les différentes étapes de
sa fixation dans les molécules organiques et de sa réduction. Les molécules
nouvelles, grâce à leur composition isotopique, se distinguent des molécules de
même nature chimique qui préexistaient dans les tissus, avant l’offre.
Aujourd’hui, la séparation des différents métabolites est relativement simple,
car la mesure de la radioactivité acquise après l’intégration du 14C est rapide
et très sensible. La figure 8 illustre les résultats obtenus. Comme le 14C ne
perd la moitié de sa radioactivité qu’en 5 000 ans environ, on peut le
considérer comme un outil stable à notre échelle.
On doit à l’équipe
de chercheurs de l’université de Berkeley dirigée par M. Calvin (prix Nobel de
chimie, 1961) le développement des recherches sur ce sujet, depuis 1946. Chez
les végétaux dits C3 (cf. chap. 5), le premier composé formé, l’acide
phosphoglycérique , comporte 3 atomes de carbone. Il contient la quasi-totalité
du radiocarbone du gaz carbonique fixé après quelques secondes, en présence de
lumière. Il est formé par la fixation du dioxyde de carbone sur un glucide à 5
atomes de carbone, le ribulosebisphosphate. Cette fixation (5 C + 1 C) engendre
2 molécules d’acide phosphoglycérique (3 C Z 2). Ensuite apparaît un glucide,
également tricarboné: l’aldéhyde phosphoglycérique , produit de la réduction du
corps précédent. Cette réduction est l’étape énergétique la plus importante des
réactions sombres; elle utilise les deux transporteurs NADPH2 et ATP, rechargés
lors des réactions photochimiques.
Ensuite, l’union de
deux molécules de trioses forme un sucre à 6 atomes de carbone, le fructose-bisphosphate
, puis monophosphate, pour lequel deux voies sont possibles: d’une part, la
régénération du ribulose-bisphosphate , par des transformations entre glucides
phosphorylés, permettant la poursuite de la fixation du dioxyde de carbone, et,
d’autre part, l’engagement vers la formation d’accumulats glucidiques (fig. 9).
La régénération du
ribulose-bisphosphate forme un cycle réactionnel auto-entretenu , ou cycle de
Calvin, qui est parcouru en quelques secondes. L’excédent de carbone, dû à la fixation
du dioxyde de carbone, est à l’origine de la synthèse de l’amidon qui se dépose
fréquemment dans les chloroplastes.
Une fraction des
trioses-phosphates émigre hors des chloroplastes et est à l’origine du
saccharose, formé dans le cytosol. (L’enveloppe des chloroplastes est très
perméable aux trioses-phosphates et au phosphate minéral.) Toutes ces réactions
sont catalysées par des enzymes, et il est possible de les réaliser in vitro ,
à condition que les fournisseurs d’électrons et d’énergie soient présents. Il
est remarquable de constater qu’elles mettent en jeu des composés phosphorylés
qui appartiennent au métabolisme intermédiaire le plus courant. Les étapes
allant de l’acide phosphoglycérique aux sucres parcourent exactement, en sens
inverse, celles de la glycolyse fermentaire ou respiratoire, et la régénération
du ribulose-bisphosphate emprunte la voie inverse de la chaîne respiratoire des
pentoses-phosphates. C’est le pouvoir réducteur des chloroplastes, alimenté par
la recharge photochimique de NADPH2 et de l’ATP, qui gouverne cette inversion.
L’originalité de ce
cycle réactionnel réside dans le mode de fixation et de réduction du dioxyde de
carbone, propre aux végétaux chlorophylliens et à de nombreuses bactéries
autotrophes pour le carbone, et dans son couplage énergétique avec les
réactions photochimiques.
Le cycle de Calvin
comporte également quelques voies latérales qui aboutissent à la synthèse
d’acides-aminés et de précurseurs des lipides (fig. 10). Ainsi, l’acide
phosphoglycérique est à l’origine de l’acide pyruvique qui, par amination
(fixation du groupe N H2), est transformé en a-alanine, acide aminé à 3 atomes
de carbone. La carboxylation de l’acide pyruvique donne naissance à l’acide
oxaloacétique. Ce dernier peut être réduit, avec formation d’acide malique, ou
aminé, avec synthèse d’acide aspartique. Ces trois derniers composés sont à 4
atomes de carbone et appartiennent à la même famille métabolique. L’acide
pyruvique, par décarboxylation (perte de gaz carbonique), engendre le radical
acétyle, origine des acides gras des lipides [cf. MÉTABOLISME].
Tout le déroulement
du cycle de Calvin se situe dans les chloroplastes. À l’exception des
trioses-phosphates, les glucides phosphorylés ne traversent que très lentement
les membranes qui limitent ces organites; la voie synthétique des réactions se
trouve ainsi compartimentée.
En revanche,
trioses-phosphates et acides organiques circulent très aisément entre les
chloroplastes et le cytosol.
Après migration
dans le cytosol et les autres organites cellulaires, l’excédent des composés,
par rapport aux nécessités du déroulement du cycle, alimente les synthèses de
protéines, de lipides, etc. et la respiration.
5.
Les types métaboliques de photosynthèse, d’après le mode de fixation initial de
CO2
Les réactions
enzymatiques décrites ci-dessus sont sensiblement les seules voies d’entrée du
CO2 dans le métabolisme photosynthétique, pour la majorité des plantes
primitivement étudiées. 90 p. 100 du carbone au moins empruntent directement la
voie du phosphoglycérate, composé à 3 atomes de C, d’où le qualificatif de
"type C3" donné à ces végétaux qui comprennent presque toutes les
plantes originaires des régions tempérées, toutes les Fougères, Mousses, Algues
et enfin tous les arbres quel que soit leur habitat climatique.
Mais, parmi les
plantes herbacées et quelques arbustes des régions tropicales, semi-tropicales,
ou encore des sols salés des régions tempérées, on trouve, dans près de vingt
familles appartenant toutes aux Phanérogames Angiospermes, un procédé différent
de fixation initial de CO2. Celui-ci a été reconnu entre 1963 et 1966. Dans le
cytosol des cellules sous-épidermiques de leurs feuilles (mésophylle) la
réaction suivante intervient pour la quasi-totalité du CO2 fixé. Elle est
catalysée par une phosphoénolpyruvate carboxylase:
d’où l’expression
de "plantes de type C4" qui leur a été attribuée. L’OAA, corps
instable, y est immédiatement réduit en malate (MAL) ou aminé en aspartate
(ASP). Ces deux derniers composés fournissent, après migration dans des
cellules plus internes, le CO2 à la réaction caractéristique du type C3:
Cette dernière a
lieu dans les chloroplastes exclusivement. Ces cellules, plus internes que
celles du mésophylle, entourent les vaisseaux conducteurs de sève et
constituent la gaine périvasculaire (fig. 11). L’ensemble forme une structure
dite en "couronne". Puis les opérations de réduction du PGA et de
transformation des glucides, avec régénération du ribulose-bisphosphate,
formation d’amidon et de saccharose, se poursuivent comme dans les plantes de
type C3. La figure 12 schématise les 2 cycles réalisés, l’un dans les cellules
du mésophylle, l’autre dans celles de la gaine périvasculaire. Ainsi l’ensemble
du métabolisme photosynthétique du carbone se trouve réparti entre deux tissus
dont les cellules ont une compartimentation enzymatique nettement diversifiée.
De plus, le type C4
présente plusieurs variantes. Pour le maïs, la canne à sucre, le malate est le
transporteur essentiel de CO2 et, dans les chloroplastes des cellules des
gaines, une enzyme malique catalyse la réaction:
Le malate fournit
le CO2 et enrichit également le pouvoir réducteur des chloroplastes des gaines
en réduisant le NADP en NADPH2. Pour d’autres espèces de type C4: Panicum
maximum , Chloris guyana , l’aspartate, après amination de l’oxaloacétate dans
le cytoplasme des cellules du mésophylle, émigre dans les gaines, y régénère
l’OAA qui enfin fournit le CO2 aux chloroplastes de ces dernières, après une
décarboxylation par une PEP-carboxykinase selon une réaction du type:
Le
phosphoénolpyruvate, à l’état de pyruvate, est ensuite aminé, donnant naissance
à l’a-alanine qui retourne dans le mésophylle, assurant la fourniture à la fois
d’un chaînon tricarboné et d’une fonction aminée nécessaire à la poursuite du cycle.
Pour les espèces
telles que Amaranthus edulis , Panicum miliaceum , où l’aspartate est également
la principale forme de transport de CO2 du mésophylle aux cellules des gaines,
cet acide aminé est reconverti en malate dans les mitochondries des cellules
des gaines et une enzyme malique assure la libération du CO2 selon la réaction:
Après amination du
pyruvate, avec formation d’a-alanine, le retour de cet acide aminé tricarboné
permet la reprise du cycle dans les cellules du mésophylle.
Si, dans ces trois
modalités, le cycle réducteur du CO2 en glucides se situe toujours dans les
chloroplastes des cellules des gaines périvasculaires et par le même processus
incluant la carboxylation du ribulose-bisphosphate avec formation de PGA et
réduction de ce dernier en trioses-phosphates, le mode d’apport de CO2 à
l’intérieur des tissus présente des modalités différentes. Le métabolisme
photosynthétique du carbone est "éclaté", partagé entre des lieux
cellulaires ou des organites divers: cytosol, chloroplastes, voire
mitochondries, avec une spécialisation des cellules sous-épidermiques externes
du mésophylle dans la fixation initiale du CO2 et une spécialisation des
chloroplastes des cellules plus interne des gaines dans sa réduction au niveau
glucidique. Il en résulte une compartimentation du métabolisme différente de
celle des plantes de type C3.
D’autres
complications interviennent d’ailleurs, les chloroplastes des cellules du
mésophylle pouvant participer à la réduction d’une fraction du phosphoglycérate
venant des plastes des gaines, mais seuls les chloroplastes de ces dernières
possèdent la ribulose-bisphosphate carboxylase.
Cet éclatement avec
une compartimentation complexe implique diverses migrations de métabolites
intermédiaires, facilitées par des communications directes (plasmodesmes entre
les cytosols des différentes cellules en continuité, qu’elles appartiennent au
mésophylle ou aux gaines). Cette compartimentation implique aussi une dépense
énergétique supplémentaire correspondant à la multiplicité des transports et
aux réactions plus nombreuses quand on compare le métabolisme C4 au métabolisme
C3. Mais cette dépense supplémentaire est couverte par l’adaptation des plantes
C4 au fort ensoleillement de leurs régions d’élection. Par ailleurs, ainsi
qu’on l’exposera plus loin, à propos de la photorespiration, le pouvoir de
fixation de CO2 de la PEP-carboxylase est beaucoup plus élevé que celui de la
ribulose-bisphosphate-carboxylase et leur assure une beaucoup plus grande
activité métabolique de photosynthèse quand le flux lumineux n’est pas
limitant.
Les plantes de type
C4 sont capables d’absorber la totalité du CO2 présent dans une enceinte close,
ce que ne peuvent réaliser les plantes de type C3 dont la photosynthèse
s’annule lorsque la pression partielle de CO2 dans l’atmosphère s’abaisse
au-dessous de 40 à 50 microlitres par litre d’air (point de compensation de
CO2).
De ce fait, en
atmosphère normale, les plantes de type C4 absorbent presque aussi rapidement
le CO2 dont le carbone est l’isotope 13C que le CO2 à carbone 12C (le 13CO2
représente environ 1,1 p. 100 du CO2 total de l’air), alors que les plantes de
type C3 présentent à l’égard du 13CO2 un retard à l’assimilation de 20 p. 1 000
par rapport au 12CO2 (fractionnement isotopique), contre 4 p. 1000 pour les
plantes C4.
Elles peuvent
utiliser des éclairements beaucoup plus élevés que les plantes de type C3. Leur
saturation lumineuse n’est pas toujours atteinte dans les jours les plus riches
en lumière (500 W par m2), alors que les plantes de type C3 sont saturées de
lumière entre 50 et 150 watts par mètre carré. Leur optimum thermique de
photosynthèse est également plus élevé (de 30 à 47 0C contre 15 à 25 0C pour
les plantes C3).
La structure en
couronne des tissus foliaires des plantes de type C4 est favorable à la
migration des produits de photosynthèse, en raison de la proximité des cellules
des gaines où se réalise la synthèse des glucides (amidon et saccharose) et des
vaisseaux conducteurs de la sève qui distribuent les métabolites aux divers
organes de la plante et peuvent ainsi leur assurer une croissance plus rapide,
dans les conditions climatiques qui leur sont favorables.
Un autre avantage
leur est aussi conféré dans leurs régions d’origine par leur économie hydrique,
leur transpiration étant, en présence d’un ensoleillement fort, plus faible que
celui des plantes C3 et leur rapport carbone assimilé/eau transitant dans les
tissus plus élevé. Elles se trouvent sur la voie d’une adaptation aux climats
arides dont le terme est donné par les plantes grasses au métabolisme acide
crassulacéen (CAM) qui constitue un troisième type adapté aux conditions des
déserts aux températures diurnes élevées. Au moins vingt-six familles de
Phanérogames et quelques Fougères possèdent des espèces de type CAM.
En 1804, N. T. de
Saussure avait décrit que les raquettes de figuier de Barbarie (Opuntia )
fixaient le CO2 la nuit, quand les orifices de leurs stomates sont ouverts. Le
jour, ils sont fermés et la transpiration de la plante est ainsi supprimée
pendant la période de chaleur sèche de leur climat d’origine. La fixation
aboutit alors, comme dans les plantes de type C4, à la formation de malate qui
s’accumule durant la nuit, dans les vacuoles des cellules. Le jour suivant, à
la lumière, le malate fournit le CO2 nécessaire à la synthèse des glucides qui
a lieu dans les chloroplastes. Il y a disjonction dans le temps entre la
fixation initiale de CO2 et sa réduction.
Il existe des
espèces végétales dont les caractères sont intermédiaires entre les types
métaboliques précédemment décrits, mais elles sont apparemment moins fréquentes
que les types tranchés. Sans doute témoignent-elles des modalités d’évolution
avortées ou en cours. Le type C3 est le plus primitif des trois, d’après les
fossiles connus et les caractéristiques de la composition isotopique en carbone
13 et en carbone 12 des charbons. Il faut noter aussi que dans la même famille
botanique (Caryophyllaceae , Chenopodiaceae , Euphorbiaceae... ) se trouvent
des représentants des trois types métaboliques.
Enfin, des essais
d’hybridation ont été tentés entre espèces voisines C3 et C4 appartenant au
même genre (Atriplex ). Les croisements donnent des descendances viables, mais
les nombreux caractères distinctifs, anatomiques, cytologiques, enzymatiques,
dépendent de gènes différents. Ils se disjoignent avec une forte indépendance,
une grande irrégularité dans la distribution chromosomique, qui, jusqu’à
présent, n’a pu être maîtrisée en vue de conduire à une amélioration comparable
à celle des plantes de grande culture telles que les blés ou les maïs.
6.
Photosynthèse nette et photosynthèse brute; la photorespiration
À la lumière, les
végétaux chlorophylliens continuent à respirer, c’est-à-dire à absorber de
l’oxygène et à émettre du CO2. Cette respiration possède plusieurs composantes.
Les unes, tout à fait semblables à celles que l’on constate à l’obscurité, sont
généralement déprimées à la lumière, l’énergétique lumineuse se substituant à
l’énergétique chimique fournie par les oxydations mitochondriales.
De plus s’établit à
la lumière un type de respiration particulier, appelé photorespiration (Pr).
Il en découle, sur
le plan quantitatif, le fait suivant: l’émission photosynthétique d’O2 ainsi
que l’absorption de CO2 observées à la lumière expriment la photosynthèse nette
(Pn) qui est plus faible que la photosynthèse totale ou photosynthèse brute
(Pb), selon l’équation: Pn = Pb _ Pr.
En fait, Pr
représente l’"ensemble" de la respiration à la lumière comprenant
essentiellement la photorespiration stricto sensu , si l’on néglige le faible
reliquat des mécanismes respiratoires normalement manifestés à l’obscurité et
qui se trouvent déprimés à la lumière.
L’importance de la
photorespiration varie selon les types métaboliques décrits dans le paragraphe
précédent. Pour les feuilles d’une plante de type C3, dont la photosynthèse
nette peut atteindre 30 milligrammes de CO2 fixé par décimètre carré et par
heure, dans l’air ordinaire, la photorespiration peut avoir une valeur presque
égale (soit 40 à 50 p. 100 de la photosynthèse brute) et se présenter comme une
perte très importante du pouvoir photosynthétique total. Elle est en moyenne
cinq fois plus intense que la respiration réalisée à l’obscurité par les mêmes
organes.
En raison des
échanges des mêmes gaz, quoique inversés, la mesure de la photorespiration est
délicate.
La méthode la plus
sûre est celle qui consiste à placer les végétaux en présence d’une atmosphère
enrichie en oxygène de masse atomique 18 (non radioactif), distinct de
l’oxygène courant de masse 16. Alors que par photosynthèse les végétaux
libèrent 16O après photoxydation de l’eau H216O, la mesure de l’absorption de
18O par spectrométrie de masse permet d’évaluer l’intensité de la
photorespiration. Si la durée de l’expérience d’appauvrissement de l’atmosphère
en 18O n’est pas trop longue, afin d’éviter les échanges métaboliques
d’oxygène, l’approche est quantitativement la plus fidèle. D’autres méthodes
sont basées sur les échanges de CO2: émission de ce gaz dans une atmosphère
sans CO2 qui balaie les feuilles et entraîne le CO2 libéré par
photorespiration, extrapolation à la concentration nulle des courbes
d’intensité de la photosynthèse en présence de concentrations en CO2
décroissantes, émission brusque de CO2 après interruption de la lumière,
traduisant d’une manière transitoire l’intensité de la photorespiration plus
lente à s’annuler que la photosynthèse.
Réciproquement
l’estimation de la photosynthèse brute peut être obtenue par la mesure de l’absorption
de 14CO2 pendant des temps très courts, précédant la mise en route du
métabolisme photorespiratoire.
Les mesures par la
voie des échanges de CO2 donnent généralement des valeurs inférieures à celles
obtenues avec l’isotope 18O de l’oxygène.
Le mécanisme de la
photorespiration est complexe. D’une part, des transporteurs intermédiaires
d’électrons (fig. 5) peuvent être directement oxydés par l’oxygène au niveau
des membranes chloroplastiques, au voisinage du photosystème I. D’autre part,
et c’est la voie la plus importante quantitativement, l’enzyme de fixation de
CO2, la ribulose-bisphosphate carboxylase, peut également fixer l’oxygène à la
place du CO2 et jouer le rôle d’une oxygénase (RuBP carboxylase/oxygénase est
son nom complet actuel).
On pense que le
même site enzymatique entre en jeu et qu’une compétition s’y manifeste entre
les 2 petites molécules, CO2 et O2, ce qui se traduit par une accélération de
la photorespiration en présence d’atmosphères enrichies en O2 ou appauvries en
CO2 et, inversement, en sa quasi-disparition en présence d’atmosphères pauvres
en O2 ou riches en CO2.
La figure 13 résume
les réactions mises en jeu par la fixation d’O2 sur le ribulose-bisphosphate
(RuBP) lorsque l’enzyme fonctionne comme oxygénase. Dans les chloroplastes, la
fixation d’oxygène engendre non plus 2 molécules de phosphoglycérate comme lors
de la fixation de CO2, mais une seule molécule de phosphoglycérate et une
molécule de phosphoglycolate, composé dont les 2 atomes de C proviennent du
ribulose. Le phosphoglycolate, après déphosphorylation, fournit du glycolate
qui émigre dans un autre organite cellulaire, un peroxysome. Il s’y trouve
oxydé en glyoxylate avec formation d’eau oxygénée. L’enzyme, la glycolate
oxydase, est strictement localisée dans les peroxysomes.
Ces derniers
renferment aussi une catalase qui décompose l’eau oxygénée toxique. Une
transaminase, présente également, catalyse la transformation du glyoxylate en
glycine ou glycocolle aux dépens de glutamate fournisseur de fonction aminée. Ensuite
la transformation de glycine en sérine a lieu dans les mitochondries, avec
libération de CO2, d’ammonium et réduction de nicotinamide adénine nucléotide,
source d’une récupération partielle d’énergie. La sérine, après retour dans les
peroxysomes, fournit du glycérate. Ce dernier après migration dans les
chloroplastes et phosphorylation pourra, sous forme de phosphoglycérate,
rentrer dans le cycle photosynthétique réductif du carbone. Toutes ces
migrations de métabolites, d’organites en organites différents, sont imposées
par les strictes localisations des enzymes, d’où résulte une compartimentation
et un trajet métabolique compliqués de composés carbonés et azotés. L’ensemble
se solde par la perte d’une molécule de CO2 et l’absorption de 3 molécules d’O2
pour 2 molécules de ribulose-bisphosphate oxydé.
Cette
photorespiration n’est connue en fait que depuis les années 1960-1970. Elle
représente une perte très variable du pouvoir photosynthétique selon les types
végétaux. Très importante chez diverses plantes de type C3: blé, tabac,
tournesol, soja, elle est beaucoup plus faible chez d’autres végétaux,
appartenant cependant au même type métabolique. Il en est ainsi chez diverses
algues d’eau douce ou marines qui excrètent du glycolate. Les plantes de type
C4 ont aussi une photorespiration dont témoigne leur sensibilité aux pressions
partielles élevées d’oxygène et la présence de peroxysomes dans leurs tissus,
mais elle est effacée par la forte affinité de la phosphoénolpyruvate
carboxylase qui retient le CO2 libéré dans les tissus foliaires. Par suite,
elle ne peut être décelée que par l’absorption de 18O.
La signification de
la photorespiration reste énigmatique: conséquence initiale de la double
activité de la protéine la plus abondante du monde, la ribulose-bisphosphate
carboxylase/oxygénase, prix payé à sa structure moléculaire, élimination d’un
excès de pouvoir réducteur fourni par les photosystèmes membranaires aux
enzymes du stroma chloroplastique, fourniture d’acides aminés, sont des faits
qu’une vision de finalité absolue tend à négliger.
Les essais de sa
suppression par divers inhibiteurs d’enzymes tels que la glycolate oxydase
n’ont pas jusqu’à présent réussi à améliorer la production végétale par une
intensification de la photosynthèse. Son effacement, dans les plantes de types
C4, est dû, non à la suppression de son mécanisme, mais à la mise en jeu d’une
procédure plus efficace de fixation de CO2 que celle qui est réalisée dans les
plantes de type C3.
Énergétique et
importance de la photosynthèse dans la biosphère
Le bilan de la
photosynthèse nette laisse un excédent de substances organiques très important,
puisque les pertes totales dues à la respiration de tous les organes végétaux
ne dépassent pas 40 à 50 p. 100 du gain positif de synthèse nette.
D’une manière
générale, la vitesse ou intensité de la photosynthèse croît avec l’intensité de
l’éclairement, jusqu’à une valeur limite, au-delà de laquelle la saturation
lumineuse est atteinte, comme il est indiqué à propos des différents types
métaboliques de photosynthèse. Pour les plantes de type C3, qui représentent
les plus grandes masses de végétation, cette saturation est nettement
inférieure à l’intensité maximale de la lumière qui arrive au sol (500 W/m2
environ). En revanche pour ces plantes, la tension partielle de CO2 dans
l’atmosphère (330 ml/l d’air) est un facteur limitant, ce qui explique le
succès de la fertilisation des cultures sous abri, par apport de dioxyde de
carbone dans l’air. Le doublement de la concentration partielle de CO2 multiplie
par 2 en moyenne l’intensité de la photosynthèse des plantes de type C3, alors
qu’elle est sans effet sur les plantes de type C4.
Enfin, comme dans
tout mécanisme lié à l’activité d’enzymes, la vitesse de la photo synthèse est
sensible à la température, elle augmente jusqu’à un optimum variable selon les
espèces et en particulier selon le type métabolique (voir chap. 5), puis
décroît ensuite rapidement par suite d’une désorganisation de l’appareil
photosynthétique. Notons cependant que quelques organismes thermophiles,
appartenant aux Photobactéries ou aux Cyanophycées (Cyanobactéries ou
"algues bleues") supportent des températures voisines de 60-70 0C. La
sensibilité de la photosynthèse à la fois à l’intensité de l’éclairement et à
la température souligne bien l’existence des 2 types de réactions:
photochimiques d’une part, sombres (ou "thermiques") d’autre part.
Lorsque deux des
trois facteurs externes (lumière, température, concentration partielle de CO2)
sont optimaux, l’intensité de la photosynthèse dépend de la valeur du
troisième, selon la loi très générale dite loi du minimum [cf. NUTRITION].
Lorsque les trois facteurs sont à l’optimum, l’intensité atteint un plafond
absolu qui dépend de l’équipement pigmentaire et enzymatique d’un végétal, donc
de facteurs propres à l’organisme.
De fait, la vitesse
optimale n’est jamais atteinte dans les conditions naturelles, et il en est de
même du rendement énergétique défini par le rapport entre le CO2 assimilé, ou
l’oxygène émis, et l’énergie lumineuse absorbée.
Dans les meilleures
conditions expérimentales de laboratoire, l’exigence quantique de la
photosynthèse peut être de 8 à 10 quanta par molécule de CO2 fixé, soit égale
ou très voisine du minimum théorique de photons, tel que l’on peut le déduire
d’après les données du paragraphe 3 et de la figure 5.
Il faut souligner
d’ailleurs que cette exigence photonique minimale, correspondant à un rendement
énergétique maximum d’environ 30 p. 100, n’est obtenue qu’en présence
d’éclairements très faibles.
En présence des
éclairements naturels, le rendement énergétique maximal de la photosynthèse
nette ne dépasse pas 10 à 15 p. 100, correspondant à une exigence quantique de
20 à 30 photons. Si l’on tient compte du rythme nycthéméral d’éclairement, le
rendement énergétique rapporté à un cycle naturel de 24 heures ne dépasse pas 7
à 10 p. 100. En moyenne, pendant les périodes de végétation active, il ne
dépasse pas 4 à 8 p. 100 (betterave, blé, par ex.) par rapport à l’énergie
lumineuse arrivant au sol pour les plantes de culture des régions tempérées et
6 à 8 p. 100 pour celles des régions subtropicales ou tropicales (canne à
sucre, par exemple).
Cependant et bien
que les végétaux, à l’exception des forêts très touffues, soient loin
d’utiliser la totalité, voire la majeure partie de la lumière qui parvient à
leur niveau, les quantités de carbone fixées annuellement et les synthèses de
matières organiques sont énormes.
Les estimations
fondées sur les récoltes et la mesure de la croissance des arbres indiquent que
les végétaux terrestres accumuleraient annuellement environ 50 milliards de
tonnes de carbone et les végétaux marins environ 20 milliards de tonnes,
correspondant au total à un excédent de synthèse de substances organiques de
170 milliards de tonnes. Il y correspond un stockage d’énergie de l’ordre de
2,7 Z 108 kJ qui est environ 10 fois plus grand que la consommation annuelle
mondiale d’énergie.
Il faut aussi se
souvenir de l’origine végétale du charbon, des bitumes et pétroles pour estimer
l’importance de la photosynthèse à sa juste valeur. On lui doit aussi la
purification de l’air par la soustraction du dioxyde de carbone et le
dégagement d’oxygène.
Il est probable que
la totalité du carbone présent sur la terre comme celle de l’oxygène de l’air
et de l’eau sont passées de nombreuses fois par le mécanisme photosynthétique
(cf. BIOSPHÈRE et CYCLES BIOGÉOCHIMIQUES).
Aussi comprend-on
qu’actuellement nombre de chercheurs, scientifiques ou économistes estiment
qu’un accroissement de la photosynthèse, ou une plus efficace utilisation de
ses produits, puisse contribuer à la satisfaction des besoins énergétiques
mondiaux. Les "biotechnologies solaires" s’en préoccupent activement.
Multiformes, encore en quête d’être complètement adoptées, elles prétendent prolonger
l’agronomie classique (sélection végétale), orienter partiellement la
production végétale (cultures énergétiques), mieux tirer parti des déchets
d’origine agricole (biogaz) ou forestière (combustion). Bien plus, elles visent
à exploiter le phénomène en conditions semi-artificielles (cultures d’algues
pour la production de molécules à haute valeur ajoutée) ou même à l’imiter pour
le perfectionner (voie biomimétique): cet aspect du sujet est examiné dans
l’article Biomasse in ÉNERGIES RENOUVELABLES..