Le
Moteur électrique
L’énergie électrique
est distribuée sous forme alternative à des fréquences de 50 ou 60 hertz
(fréquences "industrielles"). Aussi les moteurs électriques, dits
alternatifs, susceptibles d’être directement raccordés au réseau, sont-ils d’un
emploi commode. On en distingue deux types essentiels, respectivement qualifiés
de synchrones et d’asynchrones (ou d’induction).
Machines
synchrones
Une machine
synchrone, appelée alternateur ou moteur synchrone, selon qu’elle fonctionne en
génératrice ou en moteur, est généralement constituée d’un bobinage polyphasé
statorique – ou induit – et d’un inducteur tournant. Ce dernier est un aimant
permanent dans les machines de petite puissance, ou comporte un bobinage
alimenté en courant continu dans les engins plus importants. L’énergie
électrique continue peut être fournie par une génératrice à courant continu
directement entraînée par la machine synchrone ("excitatrice en bout
d’arbre"), ou obtenue à l’aide d’un montage redresseur branché aux bornes
de l’induit. La figure 3 représente une machine bipolaire triphasée.
L’induit d’une
machine synchrone, alimenté par un système de tensions polyphasé équilibré,
crée un champ tournant de vitesse angulaire y/p (en conservant les notations
précédentes). Le rotor doit tourner exactement à cette vitesse, appelée vitesse
de synchronisme, pour qu’apparaisse un couple électromagnétique moyen non nul.
En particulier, le couple de démarrage d’un moteur synchrone est nul.
Une machine
synchrone est caractérisée par son impédance synchrone Z, grandeur complexe
dont on néglige souvent la partie réelle pour ne considérer que la partie
imaginaire pure j Ly, où Ly est appelée réactance synchrone. Soit V la tension
appliquée à une phase de l’induit, alors traversée par un courant J_, et E0 la
force électromotrice (f.é.m.) d’induction engendrée dans cette phase par le
flux inducteur. On décrit le fonctionnement du moteur synchrone par l’équation
suivante traduisant la loi d’Ohm aux bornes du bobinage considéré:
La figure 4
représente le diagramme de Fresnel, ou "diagramme synchrone", associé
à cette équation.
Dans les cas usuels
de fonctionnement, la tension du réseau et le couple résistant sont constants.
Il en résulte que la puissance utile et pratiquement la puissance absorbée sont
également constantes. On démontre alors que, lorsque le courant d’excitation,
donc la f.é.m. E0 varient, le diagramme synchrone se déforme de façon que le
point A décrive une droite D parallèle à l’axe Ox X, support de V. Quand A est
en B, le facteur de puissance est égal à l’unité (J_ et V en phase). Quand A
dépasse B (position C, par exemple), J_ est en avance de phase sur V. La
machine fournit de l’énergie réactive au réseau (fonctionnement en
"compensateur synchrone").
Les compensateurs
synchrones peuvent constituer de très grosses unités et sont destinés à
améliorer le facteur de puissance des installations. Outre cet usage important,
les moteurs synchrones sont utilisés dans des systèmes exigeant une vitesse
rigoureusement constante (machines à tisser, magnétophones...). Leurs inconvénients
majeurs sont l’absence de couple de démarrage et les risques de
"décrochage" en cas de surcharge.
Machines
asynchrones
Les machines
asynchrones, ou machines d’induction, sont constituées de deux bobinages
polyphasés ayant le même nombre p de paires de pôles. Le bobinage fixe, appelé
induit, stator ou primaire, est relié au réseau. Le bobinage mobile – rotor ou
secondaire – est fermé sur lui-même par l’intermédiaire de résistances ou de
conducteurs de court-circuit. La figure 5 représente ces deux bobinages
(supposés bipolaires) placés côte à côte.
Le primaire crée un
champ tournant B1_, de vitesse Y1 = y/p. Le secondaire est supposé tourner dans
le même sens, à une vitesse Y inférieure à Y1. En vertu du principe de
composition des vitesses, le champ B1_ tourne par rapport au secondaire à la
vitesse Y1 _ Y. En introduisant le glissement g , défini par la relation:
cette vitesse
relative Y1 _ Y s’écrit simplement g Y1.
En conséquence, le
champ B1_ induit dans les bobinages rotoriques un système de f.é.m. de
pulsation g Y1. Ces bobinages constituant des circuits fermés, ces f.é.m.
provoquent la circulation de courants formant un système polyphasé équilibré
qui créent un champ tournant B2_ de vitesse g Y1/p par rapport à un référentiel
associé au rotor. En appliquant le principe de composition des vitesses, il
apparaît que B2_ tourne dans l’espace statorique à la vitesse (g Y1/p ) + Y =
Y1, c’est-àdire à la vitesse du champ B1_.
Ainsi donc, quel
que soit le glissement, donc la vitesse Y du rotor, les champs B1_ et B2_
tournent à la même vitesse, et le couple électromagnétique moyen n’est pas nul.
Le couple est moteur ou résistant selon que Y est inférieur ou supérieur à Y1.
On doit au Français
André Blondel, au début du XXe siècle, une théorie du fonctionnement des
machines d’induction, ou "diagramme du cercle", qui permet
théoriquement de déterminer des paramètres tels que le courant absorbé, le
couple, le glissement et le rendement. En fait, le niveau de saturation
magnétique des machines modernes conduit à des paramètres de fonctionnement qui
s’écartent notablement de ceux que prévoit le diagramme de Blondel.
On distingue deux
types de machines asynchrones, selon que les enroulements rotoriques sont
bobinés ou simplement constitués de barres métalliques reliées à leurs
extrémités par des anneaux conducteurs ("cage d’écureuil"). Dans le
premier cas, on facilite le démarrage du moteur en introduisant des résistances
dans le circuit rotorique, ce qui conduit à une augmentation du couple et à une
diminution de l’intensité absorbée. Les avantages des moteurs à cage d’écureuil
résident dans leur simplicité de construction, de manœuvre et d’entretien, leur
robustesse mécanique et leur faible prix de revient. Le moteur asynchrone est
très couramment utilisé, dans une gamme de puissances allant de quelques
centaines de watts à plusieurs milliers de kilowatts. Il s’agit d’un engin
simple et robuste, caractérisé par un fonctionnement stable, une vitesse
pratiquement constante et un rendement élevé autour de la charge nominale.
Parmi les
perspectives d’utilisation du moteur asynchrone, on cite la traction automobile
et la propulsion linéaire.
La traction
automobile en courant périodique dépend de l’avènement de générateurs
électrochimiques de performances élevées et d’onduleurs de prix et de poids
acceptables. Ce dernier impératif devrait se traduire par une évolution des
moteurs asynchrones, afin que ceux-ci puissent être soumis à des tensions
statoriques dont la forme d’onde ("créneau" ou "dent de scie")
s’écarte notablement d’une sinusoïde.
En développant un
moteur conventionnel, on obtient un "moteur linéaire". En fait, il
faudrait disposer d’un circuit magnétique de longueur infinie pour que les
champs tournants deviennent dans cette linéarisation des champs progressifs
purs. En réalité, les "effets d’extrémité" se traduisent par
l’existence de champs pulsatoires, générateurs de pertes. Le secondaire d’un
moteur linéaire peut être constitué par un liquide conducteur ou un guide
métallique. Les applications actuelles de ces engins (pompes à métaux liquides,
catapultage électromagnétique) sont rares. On reproche aux moteurs linéaires
leur facteur de puissance et leur rendement toujours faibles, et il est peu
probable que l’on assiste à un développement spectaculaire de ces engins.
Les
moteurs à courant continu
Les moteurs à
courant continu sont déterminés par une grande variété de caractéristiques de
fonctionnement qui les rend pratiquement aptes à tous les emplois. Mais ils
exigent des sources continues, alors que l’énergie électrique est distribuée
sous forme alternative. Aussi, malgré le développement des redresseurs secs, le
champ de leurs applications croît moins vite que celui des moteurs alternatifs.
Un moteur à courant
continu est essentiellement constitué d’une armature d’induit, ou rotor, noyau
cylindrique en tôles de fer, portant dans des encoches périphériques un
enroulement en fil de cuivre isolé et tournant entre les pièces polaires d’un
inducteur (aimant permanent ou électro-aimant fixe).
Les conducteurs d’induit,
animés d’un mouvement de rotation dans le champ créé par l’enroulement
inducteur, sont le siège de f.é.m. d’induction alternatives. Ces conducteurs
sont reliés aux lames du collecteur, sur lesquelles frottent des balais
conduisant aux bornes de la machine. L’ensemble balais-collecteur forme un
système redresseur, si bien que la machine peut être branchée sur une source
d’énergie continue. Sur la figure 6 a schématisant un moteur bipolaire, le
collecteur n’a pas été représenté et les balais frottent directement sur les
conducteurs d’induit, ce qui ne modifie pas le principe de fonctionnement.
Les courants
d’induit se séparent en deux nappes de sens opposé, situées de part et d’autres
du plan défini par les balais. En fonctionnement en moteur, pour les polarités
de l’inducteur et le sens de rotation choisis, les sens de ces courants sont
précisés sur la figure 6 a. L’induit est donc équivalent à un bobinage traversé
par un courant continu et dont l’axe coïncide avec l’axe des balais; l’ensemble
de la machine est équivalent à deux bobinages dont les axes sont en quadrature
spatiale. Ces deux bobinages créent deux champs immobiles par rapport au stator
(fig. 6 b).
Dans les cas d’une
machine multipolaire et en désignant par N la vitesse de rotation (exprimée en
tours par seconde), par n le nombre de conducteurs de l’induit, par F le flux
par pôle (sortant d’un pôle nord ou entrant dans un pôle sud), par I le courant
fourni à l’induit, par p le nombre de paires de pôles inducteurs, et par 2 a le
nombre de voies d’enroulement du bobinage d’induit, la force
contre-électromotrice de la machine s’exprime.
On décrit le
fonctionnement d’un moteur à courant continu par les trois courbes
"caractéristiques" suivantes, relevées à tension d’alimentation et à
résistance du circuit inducteur constantes: caractéristique électromagnétique,
G = G(i ); caractéristique de vitesse, N = N(I); caractéristique mécanique, G =
G(N).
Il existe quatre
types de moteurs à courant continu qui se distinguent par le branchement de
leurs enroulements d’excitation. Leur principe et leur désignation sont
précisés sur la figure 7. Dans le dernier cas, le compoundage est dit
additionnel ou différentiel, selon que les flux créés par les deux enroulements
d’excitation s’ajoutent ou se retranchent.
L’analyse de sa
caractéristique de vitesse (fig. 8 a) montre que le moteur shunt est
pratiquement autorégulateur de vitesse. Aussi est-il utilisé pour entraîner des
machines dont la vitesse doit être indépendante du couple résistant qui leur
est opposé (appareils de levage, machines-outils).
Le moteur à
excitation indépendante joint à l’avantage d’un réglage de vitesse dans de
larges limites celui d’un important degré de stabilité. Il a l’inconvénient de
nécessiter deux sources distinctes de tension. Aussi n’est-il utilisé que dans
le cas de très faibles puissances (servomécanismes) ou de montages spéciaux
(groupe Ward-Léonard).
Les
caractéristiques de vitesse et mécanique (fig. 8 b) du moteur série montrent
qu’il possède un fort couple au démarrage, ainsi qu’une vitesse variable dans
de larges limites. C’est pourquoi il est essentiellement utilisé en traction
électrique.
De l’analyse de la
caractéristique de vitesse du moteur compound différentiel (fig. 8 c) il
ressort que l’on doit utiliser ce dernier dans les cas où la vitesse doit être
maintenue presque rigoureusement constante (filatures).
Enfin, le moteur
compound additionnel, qui présente un couple de démarrage très élevé (fig. 8
d), est préféré au moteur shunt pour l’entraînement des machines à couple très
variable (cisailles, poinçonneuses, étau-limeur).
Perspectives
Les trois types de
moteurs qui viennent d’être décrits constituent des systèmes électromécaniques
dont on peut modifier très sensiblement les caractéristiques grâce à l’addition
d’organes annexes.
En particulier, les
moteurs triphasés à collecteur et le moteur Schrague, qui utilisent les
propriétés d’un bobinage d’induit de machine à courant continu, muni d’un
collecteur et de trois balais décalés de 2p/3, sont des machines polyphasées à
vitesse variable; le moteur monophasé série à collecteur (moteur universel)
peut être alimenté en courant continu ou en courant alternatif.
Le développement
des techniques, et notamment de l’électronique dite de puissance, a conduit les
ingénieurs à imaginer des modifications des trois machines de base, de façon à
créer des systèmes électromécaniques bien adaptés aux nouvelles sources
d’énergie (cf. ch. 5).
Mais il existe
d’autres types de moteurs électriques dont le principe n’est pas la mise en
œuvre de deux champs tournants de même vitesse. Il faut citer, en particulier,
les moteurs à réluctance variable et les moteurs homopolaires. Les premiers,
alimentés en courant alternatif monophasé, ont une vitesse de rotation
rigoureusement liée à la pulsation électrique (moteurs Jarret). Les moteurs
homopolaires, fonctionnant sous très basse tension et forte intensité, devront
peut-être à l’avènement des piles à combustibles un développement important,
notamment dans le domaine de la propulsion automobile. Néanmoins, on ne peut
encore prévoir les chances d’utilisation sur une large échelle de ces deux
types de machines.
Les machines
électriques comme actionneurs pour les automatismes
Nouveaux matériaux,
nouveaux composants, nouvelles machines
Dans le domaine des
actionneurs pour automatismes, les améliorations ont porté sur tous les aspects
possibles intervenant dans une chaîne automatisée, et sur tous les éléments que
rappelle le schéma fonctionnel de la figure 9. Celle-ci présente un exemple
fondamental dont le cœur est le variateur de vitesse qui alimente un moteur et
qui est régulé.
Les moteurs ont
bénéficié du développement des matériaux classiques (tôles, isolants)
permettant l’augmentation de grandeurs comme la fréquence des convertisseurs ou
la température des bobinages. On a aussi vu l’apparition de nouveaux matériaux
comme les aimants à terres rares (famille du samarium-cobalt), qui présentent
une puissance massique, une linéarité dans leur fonctionnement, une résistance
à la désaimantation beaucoup plus élevées que celles que l’on connaissait avec
les autres aimants. Les ferrites sont linéaires mais peu puissants et les
alnico offrent des inductions rémanentes élevées mais sont sensibles à la
désaimantation par réaction d’induit (fig. 10; cf. MAGNÉTISME, fig. 17).
L’utilisation
généralisée des machines électriques en vitesse variable pour les systèmes
automatisés n’a pu se développer que grâce aux progrès spectaculaires, très
rapides, de l’électronique, singulièrement de l’électronique de puissance (cf.
ÉLECTRICITÉ – Convertisseurs et variateurs): l’augmentation de la puissance des
thyristors et des transistors, l’apparition des thyristors à extinction par la
gâchette (gate turn off , ou GTO) et des transistors MOS de puissance à permis
l’extension des domaines accessibles [cf. TRANSISTORS ET THYRISTORS], d’une
part, vers les hautes puissances – le T.G.V. compte des moteurs de 6 mégawatts
–, d’autre part, vers les hautes fréquences – des hacheurs ont des fréquences
de commutation qui dépassent 50 kilohertz. Tout cela a permis l’augmentation
des performances dynamiques, c’est-à-dire, en fin de compte, un accroissement
de la qualité et de la rapidité de la production.
À côté des nouveaux
matériaux élargissant les gammes de fonctionnement, ce sont les organes
intelligents qui ont permis une exploitation optimale des potentialités des
machines, que ce soit du côté des capteurs – comme les capteurs de courant à
effet Hall, qui offrent à la fois une très bonne bande passante et l’isolation
galvanique, ou comme les capteurs de position à très haute résolution (10 000
points par tour en qualité courante, jusqu’à plusieurs centaines de milliers de
points en qualité exceptionnelle) – ou du côté des organes de commande et de
décision : très tôt, accompagnant les organes de puissance, se sont implantés
des dispositifs ayant des fonctions mathématiques; ce furent d’abord des
circuits de traitement analogique du signal (transistors, amplificateurs
opérationnels), puis des circuits de traitement numérique , d’abord en
technologie câblée (circuits logiques et séquentiels), puis programmée . Aux
premiers microprocesseurs un peu rustiques se sont substitués de véritables
mini-ordinateurs que les extraordinaires progrès de l’intégration de la
microélectronique ont mis à la portée des automatismes, du fait de leur faible
coût, de leur faible volume, de leur grande puissance de calcul; ils permettent
à la fois de piloter les machines en optimisant leur fonctionnement, et
d’intégrer les sécurités et le dialogue homme-machine [cf. AUTOMATISATION].
Des progrès
spectaculaires concernant les structures des machines ont été accomplis, ce qui
a renouvelé une situation jugée jusque-là plutôt figée, avec ses trois types de
machines toujours identiques: moteurs à courant continu, machines à courant alternatif
synchrones et asynchrones. Ce renouvellement a porté à la fois sur les machines
et sur les systèmes qui les environnent. On a pu atteindre des performances
inaccessibles au début de la décennie quatre-vingt. C’est sans doute dans le
domaine des actionneurs pour la production automatisée (machines-outils,
robots, machines spéciales) que la plus grande variété de moteurs s’est
présentée. En effet, les moteurs électriques ont débuté sous la dure
concurrence des moteurs hydrauliques, mieux connus des concepteurs de la partie
mécanique des machines-outils et qui bénéficiaient de performances très élevées
en terme de puissance massique. En effet, les moteurs électriques sont
handicapés par leur construction en matériaux magnétiques – le fer, principalement
–, toujours très lourds. Cependant, les moteurs hydrauliques avaient des
exigences (nécessité d’une centrale) et des inconvénients (comportements
dynamiques pas toujours satisfaisants) qui laissaient prévoir que le moteur
électrique, grâce à sa grande souplesse et à sa facilité à être commandé, avait
un avenir. Il fallait pour cela que ses performances en couple massique fassent
des progrès. Des recherches très variées sur de nouvelles structures de moteurs
furent menées, et il en résulta des retombées particulièrement sensibles pour
les moteurs à courant continu et les moteurs synchrones.
On a connu très tôt
des moteurs à courant continu dont le rotor plat ou bien cylindrique, mais
creux, ne contenait pas de fer (fig. 11). Les conducteurs étaient collés sur le
rotor; celui-ci, très léger, présentait une inertie très faible, ce qui
permettait des mises en vitesse extraordinairement rapides (quelques
millisecondes). Cependant, la faible masse du rotor lui imposait une certaine
fragilité et une inertie thermique très faible, et les pointes de courant
nécessaires aux régimes transitoires pouvaient les endommager, aussi bien à
cause de phénomènes d’arrachement qu’à cause des échauffements très rapides
occasionnés par les pertes par effet Joule. En cas de montée accidentelle du
courant, le rotor peut atteindre des températures très élevées en quelques
secondes. L’environnement et l’électronique de commande doivent comporter des
sécurités spéciales pour les protéger, ce qui constitue un handicap. L’arrivée
des aimants au samarium-cobalt a alors permis le développement de nouvelles
gammes de moteurs, à structures assez classiques, avec des inerties thermiques
convenables (échauffements lents, sur plusieurs minutes ou dizaines de minutes)
mais bien adaptées à leur usage. À la différence de ce que l’on observe dans
les structures traditionnelles, on peut rencontrer de faibles diamètres pour
minimiser l’inertie (qui dépend du produit D4L, où D et L sont le diamètre et
la longueur du rotor), et de grandes longueurs pour augmenter le couple (qui
dépend du produit D2L): il s’agit de la catégorie des moteurs dits
"saucisson", qui a permis aux servomoteurs à courant continu
d’atteindre des couples massiques supérieurs à 0,5 N . m/kg dans la gamme
adaptée à la robotique, domaine où l’on a justement besoin de moteurs légers
puisque le robot les transporte sur lui [cf. ROBOTS].
En revanche, ces
moteurs sont très rapides (quelques milliers de tours par minute), tandis que
pour de nombreuses applications on a besoin de travailler à des vitesses
beaucoup plus petites (quelques dizaines de tours par minute). Ces moteurs sont
alors associés à des réducteurs de rapports souvent élevés (de 50 à 200). Or
les réducteurs subissent des pertes par frottement, apportent des jeux et des
imprécisions, ce qui constitue un handicap quand le moteur entraîne des outils
qui doivent travailler avec une très grande précision (robots d’assemblage, par
exemple). C’est pourquoi se sont développés, à l’opposé de la gamme que nous
venons de décrire, des moteurs très courts et de grand diamètre (pour éviter
les inerties excessives, ils sont creux et habituellement livrés sous forme de
bagues que l’on enfile sur les axes à entraîner): ce sont les moteurs
"pancake" ("crêpe"), qui possèdent des couples très élevés,
et tournent à basse vitesse; ils sont conçus pour l’entraînement en prise
directe, sans réducteur.
En fait, ces
moteurs, du moins dans la gamme des servomoteurs pour la production
automatisée, ne peuvent fournir sur leur axe que des couples de l’ordre de
quelques dizaines de newtons-mètres, alors qu’à la sortie d’un réducteur de
rapport 100 ou 200 un moteur rapide aux performances intrinsèques plus modestes
(quelques newtons-mètres) fournira un couple de plusieurs centaines de
newtons-mètres. C’est pourquoi de nombreux efforts se portent sur d’autres
types de moteurs. Les réussites les plus remarquables concernent les moteurs
synchrones autopilotés (ou moteur à courant continu sans collecteur). Ceux-ci
peuvent bénéficier des mêmes types d’avantages que ceux que nous avons présenté
pour les moteurs à courant continu: usage d’aimants puissants (terres rares) et
géométrie étudiée, de type saucisson ou de type pancake. Mais, en plus, ces
machines ont des avantages propres: le courant d’alimentation polyphasé circule
au stator (et non au rotor, fig. 12), qui est naturellement plus robuste et
plus facile à refroidir, par circulation d’eau, le cas échéant. On obtient
alors des performances remarquables. Par exemple, en ce qui concerne les
servomoteurs pour la robotique, on peut doubler leurs performances (couple
massique atteignant 1 N . m/kg), avec des inerties thermiques majorées, tout en
maintenant des inerties mécaniques très faibles (transitoires de l’ordre de
quelques millisecondes). Là aussi le recours à des structures pancake permet
d’obtenir des moteurs à vitesse lente et à couple élevé, permettant d’envisager
réellement l’usage de moteurs électriques à prise directe offrant sur l’axe un
couple comparable aux ensembles moteurs-réducteurs traditionnels. Les progrès
que nous venons de décrire concernent au premier chef les servomoteurs, qui
sont de petites machines, mais les techniques qui ont permis leur amélioration
(l’usage des aimants à terres rares, par exemple) ne cessent de s’étendre vers
des machines plus importantes (une centaine de kilowatts actuellement).
D’autres directions
sont explorées, vers des machines spéciales qui sont souvent des variantes des
machines synchrones, comme les machines à réluctance variable. Les propriétés
de ces machines (qui n’ont pas besoin d’être excitées au rotor, car on exploite
les effets de saillance de celui-ci) sont connues depuis longtemps, mais ce
n’est que récemment que les calculs (longs et complexes) sur ordinateur ont
permis de les optimiser. On a d’abord exploité ces propriétés principalement
pour des petits moteurs, fort répandus dans les automatismes industriels, les
moteurs pas à pas (fig. 13). Ces moteurs sont de trois types: à aimant, à
réluctance variable, hybrides. Ces derniers allient les propriétés des aimants
et de la réluctance. Leur développement a d’abord été lié à la simplicité de
leur commande (la commutation d’un courant dans une phase entraîne la rotation
du moteur d’un pas), permettant de créer aisément des commandes en position. On
les rencontre dans toutes sortes d’applications (par exemple en
péri-informatique: lecteurs de disquettes, imprimantes). Ces moteurs avaient
des limitations: pertes des pas dans les transitoires trop rapides, faibles
puissances. Les progrès conjugués des matériaux et de la commande permettent
d’envisager une extension de l’usage de ce type de moteurs, en particulier dans
deux directions extrêmes: les moteurs à grande vitesse (leurs rotors, sans
bobinages, supportent les grandes forces centrifuges) et les moteurs à faible
vitesse et grand couple pour l’entraînement en prise directe. Les applications
particulières (marine et aéronautique militaires) entraînent dans ces domaines
des recherches qui aboutissent à des machines aux performances très élevées.
Ces machines sont trop coûteuses pour les applications industrielles
traditionnelles, mais il suffit qu’elles conduisent à une augmentation de la
consommation d’aimants à terres rares, donc à une diminution du coût de ces
produits encore luxueux, pour que leur utilisation se généralise rapidement.
Parmi les machines
à courant alternatif, les moteurs asynchrones – simples, robustes, économiques
– sont très utilisés pour les automatismes peu exigeants en matière de
performances, car à la simplicité de leur construction s’oppose en fait une
redoutable complexité de leur fonctionnement en régime transitoire. Ils sont
très difficiles à maîtriser avec les moyens classiques des asservissements
industriels, qui ne conduisent qu’à des performances médiocres. On ne peut
améliorer leurs performances de façon sensible qu’à l’aide d’alimentations et
de commandes extrêmement sophistiquées (par exemple, le contrôle vectoriel),
qui généralisent les méthodes que nous allons présenter dans les paragraphes
suivants.
Nouvelles
structures de commande
En vitesse
variable, on a toujours utilisé le moteur à courant continu à excitation
séparée, à cause de ses bonnes performances en régime dynamique et de la
simplicité de sa commande. Cette simplicité est évidente sur son modèle
mathématique et se traduit concrètement par le fait que l’on peut faire varier
la vitesse d’un moteur à l’aide de montages simples, robustes et peu coûteux
(redresseurs à thyristors, par exemple). Cependant, lorsqu’on écrit l’équation
de son induit, on suppose toujours une alimentation en tension :
(où v et i sont les
courant et tension d’alimentation, R et L la résistance et l’inductance du
circuit d’induit, K le coefficient de couplage, Y la vitesse). Cette équation
montre que, aux chutes de tension près, dues au courant d’induit i , la vitesse
est proportionnelle à la tension. Mais, lors d’un régime transitoire, on n’est
pas maître du courant (fig. 14). Or celui-ci peut présenter des pointes dont
les effets sont dangereux (échauffements dus aux pertes par effet Joule, effets
démagnétisants sur les aimants et création d’à-coups de couple dommageables
pour la mécanique). Pour des raisons de sécurité, il faut donc pouvoir toujours
limiter le courant, et cela d’autant plus que le courant est une image du
couple c . En effet, on a:
aussi la loi de la
mécanique appliquée aux parties tournantes entraînées par le moteur
s’écrit-elle:
(où J est l’inertie
des parties tournantes, Cr le couple résistant).
Dans le cas de
l’alimentation en tension (et avec quelques hypothèses simplificatrices habituellement
vérifiées en pratique), on déduit de ces équations que la dynamique du moteur
est définie principalement par deux constantes de temps: la constante de temps
électrique Te = L/R, habituellement petite (quelques millisecondes) et la
constante de temps électromécanique Tem = RJ/K2, sensiblement plus grande et
qui donne approximativement les performances dynamiques du moteur (plus elle
est petite, plus le moteur est rapide).
Mais, à cause de la
nécessité de contrôler le courant pour des raisons de sécurité, et parce que
celui-ci est l’image d’une grandeur aussi importante que le couple, on est
amené à structurer la commande de la machine (fig. 15) de façon à
"dominer" le courant: on intègre le plus souvent une régulation
interne très rapide sur cette grandeur, pour que celle-ci suive quasi
instantanément une référence, Iréf. En pratique, le moteur se comporte ainsi
comme s’il était alimenté en courant , et l’équation qui décrit réellement son
comportement est:
L’équation (1) devient
inutile, la constante de temps électromécanique n’a plus d’intérêt, et la
dynamique du moteur est décrite par la seule équation (3): le moteur se
comporte à peu près comme un intégrateur pur.
On doit alors
installer une boucle de régulation de vitesse (fig. 16), qui rend stable le
comportement du moteur. La sortie du régulateur de vitesse joue deux rôles: en
premier lieu, définir le signal Iréf utilisé par le régulateur de courant; en
second lieu, limiter ce signal en amplitude par des butées correspondant aux
courants limites supportables, Imin et Imax, ce qui entraîne immédiatement:
Le moteur est ainsi
protégé contre les pointes de courant et est commandé en couple, ce qui
présente de nombreux avantages pour les tâches à accomplir.
Ces structures sont
connues et utilisées depuis les années cinquante, et pratiquement tous les
constructeurs (avec de nombreuses variantes mineures) livrent des variateurs de
vitesse fondés sur ce principe fondamental de la régulation à boucles internes.
En automatisme industriel, quand on veut imposer la position d’un outil, on
part d’un variateur de vitesse, auquel on ajoute une régulation de position
supplémentaire, qui, de plus en plus, est pilotée par un ordinateur de
processus (fig. 9).
Si le moteur à
courant continu est simple à commander, il présente toutefois divers
inconvénients. Nous avons vu que ses performances en termes de couple massique
sont limitées. En outre, le moteur à courant continu possède un organe
particulier, le collecteur. Celui-ci est responsable justement de sa
simplicité, puisqu’il transforme les courants et tensions internes, qui sont
alternatives, en grandeurs externes continues, donc simples à faire varier.
Mais il est fragile, exige un entretien régulier, et doit être exclu de
certains environnements dangereux (gaz, poussières, humidité). Une solution a
consisté à substituer au moteur à courant continu des moteurs à courant
alternatif associés à des convertisseurs statiques qui jouent le rôle des
collecteurs. On obtient alors des moteurs à courant continu sans collecteur.
Notons simplement que les problèmes posés par le collecteur mécanique sont
maintenant renvoyés sur l’électronique de commande qui a, elle aussi, ses
limitations, toujours repoussées par ses progrès permanents.
Pendant longtemps,
cette application s’est limitée aux très gros moteurs synchrones, dans des
gammes où il aurait été déraisonnable de construire des moteurs à courant
continu, alimentés par des groupes à thyristors, de même structure que les
redresseurs, mais fonctionnant en régime onduleur assisté par le réseau. Ces
dernières années, grâce aux progrès simultanés des machines, de l’électronique
de puissance et de la microélectronique, on a vu se généraliser cette évolution
sur toute la gamme des machines, en particulier dans le domaine des
servomoteurs, avec un développement supplémentaire dans la direction des
machines spéciales, comme les machines à réluctance variable ou les moteurs pas
à pas hybrides.
Les machines à
courant alternatif sont naturellement plus compliquées à commander que les
moteurs à courant continu. Or on veut retrouver avec ces machines la même
facilité d’emploi pour les automaticiens qui conçoivent leurs systèmes de
production. On souhaite même utiliser des dispositifs standards, utilisables
pour les différents types de machine. On y arrive en autopilotant la machine,
c’est-à-dire en asservissant l’alimentation de la machine de façon que son
comportement (vu de l’extérieur) soit à peu près identique à celui de la
machine à courant continu. On obtient ce résultat si on transforme les
équations de la machine synchrone de la façon suivante (fig. 17).
Dans une première
étape, on transforme les grandeurs triphasées réelles (par exemple les courants
i a , i b , i c ) en grandeurs diphasées (exemple: i a, i b) à l’aide de la
transformation de Clarke, ou de sa variante normée, la transformation de
Concordia décrite par la matrice T32:
On obtient alors
une machine diphasée équivalente, plus simple, mais dont les paramètres
dépendent de la position du rotor, j. On élimine ce coefficient variable, à
l’aide d’une nouvelle transformation, la transformation de Park, qui est une
rotation définie par la matrice P(j). On définit ainsi les grandeurs des deux
axes (directe et en quadrature; par exemple: i d, i q). On obtient alors un
modèle beaucoup plus simple, comme le montre le cas d’un servomoteur à aimant à
pôles lisses:
où R et L sont la
résistance et l’inductance cyclique du stator et F le flux d’excitation créé
par le rotor.
On observe que, si
les équations électriques sont effectivement plus complexes que celles du
moteur à courant continu (avec un paramètre variable, mais lentement, la
vitesse Y), l’équation du couple (8) est analogue à celle du moteur à courant
continu où le courant en quadrature i q joue le rôle du courant d’induit i . On
en déduit une structure de commande (fig. 18) où les courants alternatifs sont
régulés à l’aide d’onduleurs (de préférence fonctionnant en modulation de
largeur des impulsions – M.L.I. –, pour imposer quasi instantanément les courants
désirés) à partir de références calculées à chaque instant en fonction de la
position (il faut donc un capteur, et on retrouve ici une fonction remplie par
le collecteur dans le cas du moteur à courant continu) et de la valeur du Iqréf
délivrée par le régulateur de vitesse (comme pour les moteurs à courant
continu). De telles commandes ont été grandement facilitées par le
développement de la microélectronique, qui a permis d’incorporer aisément aux
régulations classiques les fonctions mathématiques nécessaires à
l’autopilotage.
Dans un tel
dispositif, on ne peut plus considérer séparément une machine (conçue par un
électrotechnicien), une alimentation (conçue par un électronicien) et des
commandes (conçues par un automaticien et un informaticien). L’ensemble
constitue un système qui doit être conçu globalement. Cela ne pourra se faire
que si les différents composants sont intégrés dans une conception et une
modélisation globales faites dans l’esprit de l’automatique moderne, qui a
appris à concevoir des grands systèmes complexes, mais en tenant compte,
évidemment, des spécificités de la technique considérée. Cela ne pourra être
accompli que par des équipes pluridisciplinaires formées de spécialistes ayant
reçu une formation suffisamment généraliste.